Ab hinc… 3
« Plus les animaux sont vils, plus le tabac les repousse. Les moustiques, les guêpes, les punaises fuient le tabac avec épouvante. » – Aurélien Scholl (romancier et journaliste, création du journal Le nain jaune)
Moderne contre Moderne – Exorcismes spirituels IV / Philippe MURAY
En voilà un auteur jouissif ! Par sa plume, résolument féroce et drôle ; par son humour, noir, à la limite de la méchanceté ; par sa lucidité, terrifiante ; par ses positions enfin, affirmées et défendues bec et ongles. Bien que Philippe Muray se pose en peintre de son époque. De notre monde.
Je suis loin d’être d’accord avec Muray sur tout. Très loin. L’honnêteté m’oblige en revanche à reconnaître que loin de monter sur mes grands chevaux (les connaisseurs de Muray apprécieront : je travaille dans la culture, avec des intermittents) comme certains intellos de la bien-pensance législative, je me suis littéralement marré comme une baleine (les connaisseurs apprécieront la métaphore) en lisant ces reportages en immersion sur théâtre des opérations de la guerre autant larvée qu’impitoyable et sans fin du moderne contre le moderne. Mais rien ne vaut votre libre-arbitre : lisez-le !
Sans jouer toutefois les moralistes, je crois sincèrement que Muray a raison sur la dictature de la pensée bien-pensante unique (l’analyse qui suit est ma propre interprétation, non celle de Muray). Le mal est nié, refusé et combattu alors qu’il est la nature humaine. Combattre le mal efficacement reviendrait à couper en deux chaque être humain. Un être cultivé a le droit de ne pas être en accord avec la masse hygiéno-humanisante sans pour autant être voué aux Gémonies. Sauf que plus notre société progresse vers le bonheur collectif (c’est-à-dire vers les bonheurs individuels de minorités), moins la différence peut s’exprimer (« Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau »…).
Respect, que de conneries sont commises en ton nom !
Ab hinc… 2
« La retenue et la modération ne sont pas de mise dans une cause excellente » – Cicéron
Ab hinc… 1
« L’hypocrisie est un vice à la mode et les vices à la mode passent pour vertu » – Molière
Les cinq cent millions de la Begum – Jules Verne
Ce n’est pas le roman le plus connu de Jules Verne. C’est certainement un parmi les plus politiques, de part son patriotisme post 1870 et son positivisme effrayant.
Après une querelle d’héritage, deux savants, un Français et un Allemand se retrouve chacun à la tête d’une immense fortune. Et chacun de créer sa cité idéale du côté de la Floride… Une ville entièrement tournée sur l’industrie et le profit pour l’Allemand ; une ville de progrès économique et social, hygiéniste et tournée vers les arts, la culture et la citoyenneté pour le Français. Voilà qui est caricatural mais qui s’explique par le contexte revanchard dans lequel le roman a été composé.
Les événements s’emballent et les choses s’enveniment avec une fin que je vous laisse découvrir. C’est un roman vernien, plus anticipateur politiquement et économiquement que scientifiquement – certain chapitre n’est pas sans rappeler la chute de Lehman’s Brothers en 2008
Toutefois, l’hygiénisme et les bons sentiments mis en oeuvre dans la ville française sont absolument effrayants. Ils ne sont pas sans annoncer un totalitarisme de la bien pensance où tout le monde doit être gentil, propre, tolérant, ne pas fumer, ne pas boire, ne pas manger gras, ni de sucre et j’en passe et on est entré dans cette ère détestable pour la liberté individuelle et qui flinguera sans autre issue possible et le semblant de démocratie qui survit et le peu d’esprit critique subsistant bon an mal an…
Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.