Ab hinc… 291

« On connaît la parole célèbre de Barrès : « Malheur à qui n’a pas été anarchiste à vingt ans ». C’est ce que nous voudrions demander à nos jeunes gens. Qu’ils soient d’abord révolutionnaires en art, qu’ils mangent leurs vieillards. Ils verront ensuite à chercher la vérité. Mais pour chercher la vérité, il faut être vivant. La vie est ce qui nous manque tout d’abord. Qu’on propose, avant tout, quelques audaces et quelques erreurs. » – Robert Brasillach, « Un théâtre sans avant-garde », 1934, le magazine d’aujourd’hui, n°36, 13 juin 1934.
Ab hinc… 290

« Le confort est un danger. Le bien-être est un piège. Les facilités nous détruisent. les chairs grasses, les idées grasses et repues ne sont plus le privilège des bourgeois : nous sommes tous devenus des bourgeois ! Et puis : il n’y a pas de sainte simplicité. Toute simplicité est suspecte. Vouloir simplifier nos relations au monde, nos relations aux autres, c’est la volonté du malade, de celui qui peut plus, qui abdique sa force. » – Alain Damasio, La Zone du Dehors
Ab hinc… 288

« La pire menace pour la liberté n’est pas qu’on se la laisse prendre, – car qui se l’est laissée prendre peut toujours la reconquérir – c’est qu’on désapprenne de l’aimer, ou qu’on ne la comprenne plus. » – Georges Bernanos
Ma dernière séance. Marielle, Broca & Belmondo – Thomas Morales

« Seule la nostalgie peut désormais accueillir les recalés de ma génération. Nous nous lovons dans les vieux films pour entrapercevoir des notions aujourd’hui bannies : l’audace, le bon mot, l’ironie amusée, les amours ancillaires et le désengagement vindicatif. Ces beaux mecs nous guidaient sans pontifier, sans pour idéologiser. Ils étaient le cap ! Nous les aurions suivis au bout du monde. »
2021 s’annonce, après la calamiteuse 2020, sous les meilleurs augures : Morales revient avec un nouvel essai réjouissant, sa nostalgie joyeuse et sa plume racée. Ma dernière séance, sous-titrée « Marielle, Broca & Belmondo », joue cartes sur table et nous invite à une séance de cinéma littéraire au cœur de la France des années 1960-1980, si magnifiquement incarnée par la grâce virevoltante de Belmondo, la présence de Marielle et la liberté des films de Broca.
Rendant hommage à trois de ses idoles, Thomas Morales nous offre un essai à la fois intimiste et pudique, nostalgique et joyeux. Nous expérimentons ainsi la révolution Jean-Pierre Marielle dans l’adolescence d’un fils unique dans « le Berry, le Nivernais, la Touraine peut-être » ; un certain esprit français revit sous la plume de l’auteur à travers son évocation de Philippe de Broca, cinéaste sous-estimé par une nomenklatura cinématique détestant à la fois le populo et l’aristo, le divertissement, l’aventure et le succès public ; enfin, une autofiction en cinquante films salue Belmondo, à qui l’auteur vous une admiration fidèle et appuyée.
Adepte de la forme courte, Morales nous plonge en 120 pages serrées dans un cinéma vivant, truculent, émouvant, pathétique et sympathique. Il suffit d’évoquer Henri Serin – Jean-Pierre Marielle, représentant en parapluies en délicatesse sentimentale et professionnelle dans les mal-estimées Galettes de Pont-Aven de Joël Séria… L’auteur fait (re)vivre à travers ses acteurs et ses films fétiches une France dont on a peine à croire aujourd’hui qu’elle pût être optimiste et imaginer un avenir souriant… C’était les fameuses Trente Glorieuses ; pour y replonger, lisez Morales et faites chauffer le lecteur DVD !
Philippe Rubempré
Thomas Morales, Ma dernière séance. Marielle, Broca & Belmondo, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, à paraître le 12 janvier 2021, 126 p.