Ab hinc… 267
« Si, pour vous faire rendre les armes, les idoles des faussaires vous proposent un peu plus de sécurité en échange d’un peu moins de liberté, refusez poliment.
Si elles vous offrent un peu plus de commodité et de facilité en échange d’un peu moins de savoir et de connaissance, souriez aimablement.
Si elles vous proposent un peu plus de prospérité contre un peu moins d’esprit critique sur la prospérité, riez franchement.
L’éthique du samouraï moderne est une éthique de la contre-servitude volontaire. »
Patrice Franceschi, Éthique du samouraï moderne. Petit manuel de combat pour temps de désarroi, Propos 247.
Ab hinc… 266
« Car la mort n’est pas à craindre. Tant qu’elle n’est pas là, pourquoi en avoir peur ? Et quand elle est là, il n’est plus temps d’y penser. Ainsi parlait l’un de nos grands anciens.
Comme lui, écartez cette crainte inutile. Elle corrompt nos pensées, elle corrode nos actes.
Puisque vous ne pouvez échapper à la mort, changez votre regard sur elle. Cela ne dépend que de vous. »
Patrice Franceschi, Éthique du samouraï moderne. Petit manuel de combat pour temps de désarroi, Propos 24.
Ab hinc… 265
« Chez Homère, la vie, cette petite chose éphémère et si commune, n’a pas de valeur en soi. Elle ne vaut que par son intensité, sa beauté, le souffle de grandeur que chacun – et d’abord à ses propres yeux – peut lui donner. Une conception bien différente de celle véhiculée par tant de ces sagesses de bazar, de ces platitudes qui ont envahi l’esprit des masses occidentales et incitent à désirer une vie la plus longue possible, fût-elle médiocre et larvaire. » – Dominique Venner, Un samouraï d’Occident. Le Bréviaire des insoumis, PGDR, 2013.
Vendredi 24 avril 2020
En relisant Un samouraï d’Occident, le Bréviaire des insoumis de feu Dominique Venner, je tombe dans le chapitre intitulé « Notre mémoire oubliée » sur un paragraphe consacré à Henri de Montherlant racontant le choc vécu à huit ans à la lecture de Quo vadis, le roman d’Henryk Sienkiewicz. Ce roman dont l’action se situe sous le règne de Néron confronte le premier christianisme au stoïcisme de Sénèque, et surtout de Pétrone. J’ai donc relu ce livre, dont on m’avait offert une version illustrée quand j’étais gamin, et je me suis aussi souvenu que quelque part devait traîner une adaptation cinématographique polonaise dans ma dvdthèque, revue également.
Grand bien m’en a pris. Le roman se dévore avec autant de voracité que quand j’étais môme, mais le plaisir se double d’une réflexion sur la vie et la mort, ou plus exactement, sur le sens de la vie et le sens de la mort, à la lumière du christianisme antique et du stoïcisme. Un excellent choix de lecture en ces temps décadents dans lesquels on a voulu nous faire croire que la mort n’était pas normale, qu’elle était nécessairement souffrance et peine, où on a voulu la faire disparaître de notre quotidien avec un certain succès. Le Covid 19 est venu balayer cette comédie d’un goût douteux. La mort appartient à la vie, pleinement. Il est tout aussi important de réussir sa mort, si ce n’est plus, que de réussir sa vie. La souffrance aussi appartient à la vie. On peut toujours se raconter des histoires, créer un homme bionique ou jouer du cornet à piston devant la tour Eiffel en s’imaginant qu’elle va danser la samba, la mort est bien présente. Autant en prendre acte, et la chanter joliment, comme Brassens dans Oncle Archibald, par exemple, ou vivre en étant conscient de cette borne ultime.
Là, Quo vadis nous donne avec le récit de la mort de Pétrone une belle leçon de dignité face à la mort. Se sachant condamné par Néron, l’arbitre des élégances organise une fête entouré de sa femme et de ses amis; il prend acte de son sort et met cérémonieusement fin à ses jours en compagnie d’Eunice, son aimée, dans les chants, les danses et les libations, accompagné par le siens. Cette mort donne à réfléchir ; elle remet en question pour les non-croyants la vision glauque, forcément glauque, de la mort véhiculée par les médias et les politiques, au point de se mêler de votre santé et de brider vos libertés pour vous obliger à mourir en bonne santé (ou à travailler toujours plus longtemps pour des intérêts financiers qui ne seront jamais les vôtres). Le sacrifice des Chrétiens est, lui aussi, à sa manière, exemplaire dans l’acceptation de la souffrance par la Foi ; leur attitude est même, osons l’écrire, absolument admirable.
J’avais envie de vous parler de Quo vadis, ce beau roman qui résonne singulièrement en temps de confinement versus mortem. Il pose de passionnantes questions sur notre rapport à la mort et à la souffrance, à l’heure où elles sont mises en scène et exploitées sans vergogne par une large partie des politiciens, des médias et des médecins. À bientôt.
Quo vadis, Henryk Sienkiewicz, Le Livre de Poche, Classiques, 2001.
Quo vadis, film de Jerzy Kawalerowicz, 2001, en dvd.
La chasse du comte Zaroff, vous n’en sortirez pas indemne !
À l’aventure, et sa petite sœur, l’espérance !1
À l’heure où nous écrivons cette chronique, nous sommes confinés depuis un mois et pour un mois encore, a minima. L’occasion de se replonger dans sa dvdthèque. Et quoi de plus dépaysant qu’une partie de chasse pour s’évader ? L’excellente maison Bach Films a édité en coffret collector La chasse du comte Zaroff, produit en 1932 par Schoedsack et Cooper, qui produiront également King-Kong un an après. Un très beau produit, enrichi du texte de la nouvelle originelle de Richard Connell et d’un bonus de grande qualité. Saluons ici le travail d’orfèvre de Bach Film.
La chasse du comte Zaroff nous rappelle qu’il est des confinements plus confortables que d’autres… Un yacht fait naufrage à proximité d’une île tropicale entourée de récifs et de requins. Seul Bob Rainsford, chasseur émérite, sauve sa peau et atteint le rivage. Se guidant à l’instinct à travers une jungle, il débouche sur une forteresse, dont la présence est pour le moins incongrue en ces lieux. La porte massive présente un étrange heurtoir orné d’un buste de centaure au coeur transpercé d’une flèche, portant dans ses bras une jeune femme évanouie. On a connu des accueils plus rassurants… Interloqué mais nécessitant secours, Rainsford frappe. Reçu par le comte Zaroff, propriétaire solitaire de cette île où il vit reclus avec ses domestiques et ses chiens, il fait la connaissance de deux autres naufragés également hébergés là, Eve Trowbridge et son frère Martin. L’accueil est chaleureux, Zaroff fait montre d’un grand savoir-vivre et d’une culture aristocratique, et s’avère passionné de chasse. Ayant fait de la chasse sa vie, Zaroff explique à Rainsford, chasseur de grand gibier et auteur d’ouvrages cynégétiques, pratiquer sur cette île une chasse unique, que lui seul connaît, un gibier unique au monde, the most dangerous game, le gibier le plus dangereux… sans plus de précision. C’est ce soir-là qu’Eve, alertée par la disparition de son frère, cherche de l’aide auprès de Rainsford. S’engageant dans la galerie des trophées, ils découvrent la nature du gibier et de la chasse extraordinaire vantée par Zaroff. Leur refuge se transforme alors en cauchemar cynégétique…
Pour les amateurs de vieux films et d’aventures, La chasse du comte Zaroff est superbe ! Le comte, Janus chasseur, génie cosaque à double visage, exerce un charme dérangeant ; les décors, cette forteresse au coeur d’une île tropicale peuplée de jungle, marécages, gouffres et rivière torrentueuse, tout ici est fait pour faire tourner la boîte à bovaryser ! Le suspense va crescendo jusqu’à l’ultime image du film ; l’aventure est mémorable. Bel objet cinématographique et chouette aventure, mais aussi matière à réflexion sur notre condition. Les échanges entre deux chasseurs émérites, Zaroff et Rainsford, confrontent deux sens de l’honneur, la noblesse s’allie à la cruauté, la justice au compromis.
La chasse du comte Zaroff offre une belle d’1h30, évasion appréciable en ce printemps confiné. Un dernier mot sur les boni, ils sont vraiment soignés. Les cinéphiles se régaleront avec les commentaires de Stéphane Bourgoin et les entretiens avec Jacques Zimmer. Le coffret comporte également la traduction de la nouvelle de Connell, et l’adaptation radiophonique par Orson Welles, notamment. Enfin, un second DVD propose le remake de 1961, Bloodlust, signé Ralph Brooke, et le film Chang, produit par Schoedsack et Cooper en 1927.
Bonne évasion !
Philippe Rubempré
La chasse du comte Zaroff (The Most Dangerous Game), USA, 1932, réalisation Irving Pichel & Ernest B. Schoedsack, production Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack, avec Leslie Banks, Joel McCrea, Fay Wray et Robert Amstrong. Réédition coffret Bach Film édition collector, 2009, 1h23, noir et blanc, VOSTFR, format 4/3, tout public.
1 Retranscrit plus ou moins fidèlement d’un dialogue d’Arsène Lupin, avec Georges Descrières.