Journal d'un caféïnomane insomniaque
jeudi septembre 21st 2023

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Vivre autonome – Salsa Bertin

Chacun de nous a l’image en tête du survivaliste ricain surarmé et défendant son bunker dans l’attente de l’Apocalypse… Aux antipodes de cette version Rambo quelque peu caricaturale du courant survivaliste, Salsa Bertin, entre autres journaliste gastronomique, se propose avec Vivre autonome. Le survivalisme à la française de nous guider dans cet univers autonomiste, en en expliquant tenants et aboutissants. Son ouvrage tient donc à la fois de l’essai, du guide et du manuel pratique. Très structuré, doté d’index et d’une table des matières détaillée, il est facile d’approche, tant pour une lecture cursive que pour une consultation ponctuelle et précise.

Dès son avant-propos, Salsa Bertin singularise le survivalisme à la française, qu’elle a à cœur de distinguer de son cousin d’outre-atlantique, et qu’elle préfère nommer autonomisme. Dans la version française, l’homme reste un animal social ; l’autonomie ne rime pas avec l’autarcie. Ainsi, l’entraide, le partage ou encore la gratuité sont des valeurs cardinales du mouvement autonome à la française. L’homme ne peut s’en sortir seul.

Pourquoi Vivre autonome ? L’auteur prend soin de constater les insuffisances de nos gouvernants et les incohérences du système capitaliste financier globalisé, ainsi que toutes les attaques virulentes qui en découlent, contre nos libertés, notre santé, la nature, la vie humaine… Elle relève non sans une certaine jouissance ironique quelques réalités contemporaines bien concrètes que la science-fiction avait prédites, que ce soit en termes de technosciences ou de sécurité et de libertés (les récentes réécritures wokistes des œuvres de Roald Dahl ou d’Agatha Christie attestent que le roman 1984 de George Orwell se concrétise sous nos yeux, sans que ça ne dérange grand monde, d’ailleurs – et hélas !). Salsa Bertin en conclut à la nécessité – ou du moins, à la profonde utilité et à la grande pertinence – d’un mode de vie autonome, en accord avec la nature et la biologie, écologique au sens propre du terme.

S’en suivent les chapitres et pages pratiques constituant un véritable guide, avec références techniques et bibliographiques. De très nombreux aspects sont abordés, de la maison autonome à la gastronomie, du jardinage à l’eau potable, et viennent utilement enrichir vos connaissances et compétences, donc augmenter votre liberté, votre capacité à penser et agir par vous-même.

Tout l’intérêt de l’ouvrage de Salsa Bertin est de présenter un mode de vie sain, économique et écologique, accessible à tous à des degrés divers. Il sera utilement complété pour la réalisation concrète de votre base autonome durable du guide de référence de Piero San Giorgio, Survivre à l’effondrement économique (Culture & Racines, 2020, préface de Michel Drac). Loin d’un mouvement extrémiste « anti-système », le mode de vie autonome défendu avec talent par Salsa Bertin s’inscrit dans la vie et est ancré dans la société ; il rayonne par l’exemple qu’il diffuse. Il reste peu apprécié des autorités, qui ne manquent pas de lui chercher des poux car c’est un mode de vie qui vous rend vos libertés, si ce n’est votre liberté, en vous permettant en toute légalité d’échapper un tant soit peu aux diktats politiques, économiques ou sociétaux du temps. Le mode de vie autonome ne menace en rien, n’en déplaisent à certains, la démocratie, ce régime qui est, parait-il, le pire à l’exception de tous les autres (ce dont, à titre personnel, je doute de plus en plus, au regard de l’expérience et des perspectives…).

Philippe Rubempré

Salsa Bertin, Vivre autonome, Éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2023, 263 p.

Xavier Eman moraliste

Serait-il le nouveau La Rochefoucauld (célèbre auteur des Maximes, prénommé François) ? Avec Hécatombe (Éditions de la Nouvelle Librairie, 2021, préface de David L’Épée, illustrations de Gallic), Xavier Eman, rédacteur en chef de l’excellente revue Livr’arbitres et chroniqueur au magazine Éléments, entre autres, nous livre ses « pensées éparses pour un monde en miettes ». Il se montre tantôt grave, tantôt ironique, piquant souvent, radical au sens premier du terme, et toujours juste pour porter l’estocade à notre monde, ne s’épargnant pas plus que ses amis politiques ou ses adversaires. Un La Rochefoucauld contemporain qui ne compte pas pour rien, moraliste drôlatique et percutant tant dans ses scènes croquées sur le vif que dans ses réflexions jetées comme des peunchelaïnes, comme on dit dans cet affligeant et omniprésent globish.

Un prof ne devrait pas dire ça…

… mais tout parent ayant des enfants scolarisés devrait lire ça. Les livres, essais ou romans, traitant du naufrage de l’éducation nationale depuis 40 ans ne manquent pas, et, me direz-vous, un de plus ou un de moins… Oui, mais, car il y a un mais, l’auteur, Ève Vaguerlant, ne traite pas des marges de l’éducation nationale ; elle n’enseigne pas (ou pas essentiellement) dans des établissements défavorisés ou dans les dits Territoires perdus de la République (périphrase qui en dit long sur le déni de réalité et la démission des élites de droite comme de gauche, mais surtout de gauche) ; elle enseigne dans des établissements « normaux », au sens où ils se situent dans la norme, ni établissements d’excellence de facto réservés à l’élite, ni à la lie où croupissent ceux qui n’ont pas la possibilité d’aller ailleurs (faute de connaissance du système, de piston, ou…). Des établissements que nous pouvons légitimement supposer représentatifs de l’état général de l’enseignement en collèges et lycées. C’est de ce point de vue que le témoignage d’Ève Vaguerlant prend une tournure particulièrement inquiétante. Il est en effet illusoire de croire que tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des systèmes éducatifs possibles, sauf à nier les inégales capacités et compétences des élèves, sans parler de leurs centres d’intérêt. Concrètement, l’ouvrage s’interroge en deux temps, pourquoi les profs se plaignent-ils autant ; et pourquoi le niveau des élèves est-il aussi bas.

Entre une hiérarchie trop souvent carriériste ou pas-de-vaguiste qui les lâche à la moindre difficulté, (quand elle ne les crée pas ex nihilo) et trop de parents qui voudraient que leur petits choux chéris d’amour réussissent sans efforts (vous comprenez, c’est de la maltraitance de les obliger à bosser), les profs sont pris entre deux feux hostiles, et l’exercice de leur mission – l’instruction, essentielle pour la Nation – devient très compliqué, voire dans certains cas littéralement impossible. Comment instruire si la parole de l’élève vaut celle du professeur ? Comment instruire si demander aux élèves de travailler, d’apprendre, de réfléchir est jugé inutile (tout se trouvant sur l’Internet, la culture générale est devenue, à en croire certains, vaine et même discriminante) ? Comment instruire quand l’évaluation est jugée humiliante ? Comment instruire quand exercer son autorité professorale (pour avoir le calme en cours, ou établir des faits contestés par les superstitions de certains élèves, de plus en plus nombreux) est considéré comme fasciste ? J’en passe et des pires. Vous pensez que j’exagère ? Lisez le témoignage de Vaguerlant, et renseignez-vous.

À cela s’ajoutent les entrismes idéologiques de tout poil, wokiste, islamique, néo-féministe, ellegébétiste, gauchiste… L’école fut longtemps un sanctuaire, épargné par les questions politiques ou « sociétales ». Grâce aux criminels pédagogistes (Meirieu et consorts), elle ne l’est plus. L’école s’est ouverte sur la société dont elle est devenue un condensé des problèmes. Il faut reconnaître que cela n’aurait pas été possible sans le concours éminent de certains syndicats gauchistes de l’éducation nationale, de la FCPE, et sans l’inconsistance voire la lâcheté de la plupart des ministres de l’éducation nationale, au premier rang desquels Lionel Jospin (cf Creil, 1989). Les (rares) tentatives de réformer intelligemment l’école, c’est-à-dire de remettre les savoirs au cœur du système (et non l’élève), se heurtent à la résistance farouche d’une hydre syndicalo-administrative ultra-idéologisée, considérant comme facho toute opposition, aussi courtoise, argumentée et légitime soit-elle, et ne reculant devant aucune pression pour asseoir son petit pouvoir. Le pédagogisme obligatoire allié à la propagande permanente a découragé de nombreux enseignants qui ont démissionné, au sens propre comme au sens figuré, pour avoir la paix. Les rares résistants ont contre eux la hiérarchie, l’inspection et les parents. Je ne peux que vous inciter encore une fois à lire ce témoignage important, et vous renvoyer vers les essais de Jean-Paul Brighelli, Natacha Polony et d’autres sur l’éducation.

À chacun de s’emparer de cet ouvrage édifiant autant qu’inquiétant signé par Ève Vaguerlant. Rien n’indique, hélas, que les choses vont évoluer dans le bon sens. Le contraire est à redouter, et certainement le plus probable. Le ministre en exercice, Pap Ndiaye, a tellement confiance dans le système éducatif à sa charge qu’il scolarise ses propres enfants à l’École alsacienne, établissement d’excellence s’il en est, réservé à la progéniture d’élite.

Philippe Rubempré

Ève Vaguerlant, Un prof ne devrait pas dire ça. Choses vues et choses tues dans l’éducation nationale, L’Artilleur, 2023, 191p.

Ab hinc… 338

« Il n’est plus question d’être de droite ou de gauche. La gauche, quelle qu’elle soit, est l’enfer primordial, l’idée que la société crée les inégalités, et qu’elle doit donc agir pour les corriger. Contester le réel, et finir par l’interdire. Ce qui se traduit par l’étatisme, la politique, les privilèges, la redistribution forcée, l’appauvrissement par le socialisme, l’aplatissement par la culpabilité, la décohésion communautaire, la promotion de la bêtise et de l’envie, l’infinie chasse au mérite et aux libertés. Un raccourci par le chaos. Mais si ta droite est un Big Brother au service de l’entreprise, des banques ou du XVIe arrondissement, elle est tout aussi illégitime. Tu peux te la garder. Même chose pour tes « extrêmes », si elles sont extrêmement étatistes. Ta définition, c’est la liberté. Ton identité est une forme d’anarchie. Pas le refus de toute valeur : le pouvoir absolu de les défendre. De n’en pas subir. La servitude ou la vie, la vérité ou lui, voilà e nouveau séparatisme. Voilà ce que tu es. Celui qui a décidé de ne pas servir. » – Laurent Obertone, Éloge de la Force, [Ring, 2020] Magnus, 2023.

Lectures mars

  1. Le Dahlia Noir – James Ellroy
  2. Requiem pour la classe moyenne – Aurélien Delsaux
  3. Le Quartier des Antipodes – Arnaud Bordes
  4. La mélancolie d’Athéna. L’invention du patriotisme – Michel De Jaeghere
  5. Chateaubriand à Saint-Tropez – Judith Housez
  6. Les Murmures du ciel ou quand revient Jeanne – Erik L’Homme
  7. À chaque instant la fin du monde – Pierre Magne, Arnaud Marie, Benoît Christel
  8. Les espions du Pirée – Jean Bruce
  9. Le lien – Vanessa Duriès
  10. Beyrouth-sur-Loire – Pierric Guittaut
  11. Marshal Carpentel – Pierric Guittaut
  12. Double bang à Bangkok – Jean Bruce
  13. La Belle Éplorée et autres histoires – Leone Frollo
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