Journal d'un caféïnomane insomniaque
lundi septembre 16th 2024

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Pyramides – S. Balland / D. Quella-Guyot

Paris 1820. Napoléon a cédé la place au débonnaire Louis XVIII depuis 5 années. L’immobilisme de la Restauration succède dans un mélange de soulagement et d’indifférence à la tornade révolutionnaire et à l’aventureuse période corse. C’est dans ce contexte qu’un cadavre est retrouvé au Père Lachaise, sur la tombe du savant Monge. Un cadavre grimé d’une manière rappelant les embaumeurs de Pharaon. L’enquête est confiée à l’inspecteur Nivôse Rochelle, béotien qualifié et dessinateur amateur, aidé de son adjoint aussi lettré que cynique et élitiste, malignement surnommé Vidoq.
Trilogie épique où la fureur bonapartiste se confronte aux mystères de l’Egypte ancienne, où chair et sang sont intimement liés, où la passion embrasse l’enquête de police, où la danse du ventre envoûte les êtres, et trouble les apparences…
Le scénario diablement momifié de Didier Quella-Guyot est généreusement incarné par le dessin chaud et séduisant de la non moins généreuse Sophie Balland. Une excitante invitation à rencontrer la belle nubienne Makeda à l’abri de quelque Moucharabieh…

Women – Charles Bukowski

Qu’est-ce qui fait courir Henry Chinaski, alter ego littéraire de Charles Bukowski ?

A lire la prose nerveuse, rythmée, crue parfois de Bukowski, la bière, la vodka et les femmes sautent aux yeux.

Et pourtant,Women ne se résume pas au journal d’un alcoolique polygame au pays du puritanisme. Chinaski boit ; Chinaski baise ; Chinaski fait l’amour. Seul un sentiment d’incompréhension, une misanthropie subie l’explique. Ce roman est un cri de détresse et un cri d’amour ; Bukowski balance à la face du monde sa soif d’amour, d’être aimé, et son amour, son amour des femmes, et au-delà, finalement, son amour de cette humanité imparfaite qu’il dépeint avec tant de couleurs, d’authenticité et d’arpèges…

Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope – Georges Pichard

Chef d’oeuvre censuré de Georges Pichard, maître français de la bande dessinée érotique, réédité en intégrale en octobre 2009, Marie-Gabrielle de Sainte-Eutrope ne se résume pas au dirty comic se lisant à une main. Dans cette œuvre, car s’en est une, tout respire la gravité et la profondeur, l’érotisme et la violence, le moralisme et la liberté, la faute et le châtiment. Ce véritable roman graphique constitue une inimitable et vertigineuse signature qui rappelle par sa densité les grands romans du XIXème siècle, et par son audace, les grands libertins, de Sade à Bataille.

La comtesse Marie-Gabrielle de Sainte-Eutrope est une femme modèle de la bien-pensance aristo-catho du XIXème siècle, épouse aimante se consacrant à ses œuvres et ne se dévoilant totalement qu’aux oreilles de son confesseur. Pleine de générosité et de naïveté quant à la bonté naturelle de l’espèce humaine, Marie-Gabrielle, après avoir visité le couvent de Sainte-Marie-Madeleine-de-la-Rédemption, en accueille une des pensionnaires en qualité de bonne à tout faire. La drôlesse avait été enfermée dans ce saint lieu de rééducation après avoir manifesté une conduite autant impie qu’obscène aux yeux de la bonne société. Son arrivée dans la vie des Sainte-Eutrope, loin d’être innocente, marque le commencement du chemin de croix de la belle Marie-Gabrielle.
Le dessin expressionniste de Pichard rappelle dans ses tons et dans sa mise en couleurs, et dans une moindre mesure dans le traitement de son sujet, « La nuit » de Max Beckmann.
Marie-Gabrielle de Sainte-Eutrope est une œuvre à la fois exigeante et excitante dont le lecteur ne sort pas indemne. S’attaquant aux fondements moraux de notre société, présents en chacun de nous plus ou moins consciemment que nous soyons religieux ou laïc, croyant ou mécréant, l’excitation provoquée par l’érotisme violent de Pichard induit un malaise à la lecture autant qu’une admiration pour le maître.
Pour lecteurs avertis. Ne pas mettre entre toutes les mains, mêmes adultes. Je recommande cette lecture qui vous marque au fer rouge et vous remue les tripes et la morale…
(Suivi de Marie-Gabrielle en Orient, 1ère publication en 1980)

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.


Coney Island Baby – Nine Antico

J’ai adoré. Je dois cependant avouer que je ne sais pas bien comment aborder cette chronique. Peut-être le pitch reste-t-il encore la solution la plus simple, sans doute la meilleure…

Deux candidates au poste de playmate discutent avec Hugh Heffner (Hef pour les intimes) à la luxueuse playboy mansion. Retraçant le parcours de deux icônes, Betty Page et Linda Lovelace, Hef tente de faire prendre conscience aux deux ingénues des retombées possiblement négatives d’une carrière de playmate.

Ce roman graphique, graphite même – usage judicieux et esthétique du noir & blanc – est un véritable concerto pour un orchestre et deux solistes, alternant entre la playboy mansion, les années 1950 de Betty Page, et 1970 de Linda Lovelace. Bien que Nine Antico ne revendique pas le caractère biographique des deux icônes sexy, leurs parcours respectifs sont tout à fait crédibles, ce même en étant au fait de leur carrière.

Comment de jeune fille rangée et éduquée de la middle class américaine devient-on icône fétichiste – Betty Page – ou reine de la pornographie extrême – Linda Lovelace, devenue star avec sa fameuse technique de la « gorge profonde » et au film éponyme, passée depuis par la zoophilie et l’urophilie ? Comment ces deux dames basculeront-elles au soir de leur vie vers l’oubli, la pauvreté, le moralisme et la bigoterie, dans l’indifférence générale ?

A travers le récit du fondateur de Playboy, subissant la question de deux candidates à la couverture du célèbre magazine au lapin, Nine Antico retrace ces deux vies exceptionnelles (au sens propre du terme) ; deux parcours de femmes, relatés et mis en images par une femme, sans jugement de valeur.

Au lecteur de tirer les enseignements qu’il voudra bien en tirer… après avoir passé un vrai moment de bonheur bédéphile intense, parole de collectionneur !

Publié chez L'Association

Braise, de Laura DESPREIN

La prose est nerveuse. Singulière. Lexicale. Tantôt poétique. Parfois crue. Jamais Carmen.

Comment Braise deviendra-t-elle femme grâce à Feu, pervers pépère et impuissant ? Mettons de suite les choses au clair : ce roman est tout sauf l’histoire d’un dépucelage. Il est beaucoup plus profond. Entre cauchemars hérités de l’enfance, amour incontrôlé autant que périlleux et la vie d’une jeune fille lycéenne puis étudiante, Braise est un roman de la féminité, un roman sur la femme.

Un texte court et poignant, qui marquera les femmes probablement, mais aussi les hommes. Et s’il en faut une preuve, votre serviteur est là.

Editions Arlea - Coll. 1er Mille

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