Journal d'un caféïnomane insomniaque
mercredi février 12th 2025

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Ab hinc… 387

« […] les hommes ordinaires dont est constitué l’État – surtout en des temps instables – , voilà le vrai danger. Le vrai danger pour l’homme c’est vous, c’est moi. Et si vous n’en êtes pas convaincu, inutile de lire plus loin. » – Jonathan Littell, Les Bienveillantes

Les Aventuriers de la vie – François-Xavier Consoli

Il est des destins d’exception, plus ou moins réputés, qui respirent la liberté, l’aventure et l’envie de cramer la chandelle par les deux bouts… François-Xavier Consoli en ressuscite une quinzaine avec brio et une plume aussi aventureuse que la vie de ses héros bien réels.

Recueil de portraits sans ordre chronologique ni organisation logique apparente, si ce n’est de refléter le goût de leur auteur, Les Aventuriers de la vie se dévorent comme un roman d’aventures, donnent à rêver et à espérer. On se prend, au fil des pages, à bovaryser, à se demander pourquoi pas moi ; on retombe en enfance, en ces heures passées sous la couette en compagnie d’un roman, d’une bande-dessinée, d’un illustré, à se prendre qui pour le chevalier Bayard, qui pour Long John Silver…

Consoli nous replonge dans la vie de héros déjà célèbres, les corsaires Jean Bart et Robert Surcouf, plus ou moins recommandables, comme Albert Spaggiari ou le baron fou Ungern-Sternberg, ou parfois à la postérité plus discrète tels l’espion de Napoléon Vincent-Yves Boutin ou le premier vainqueur du Mont-Blanc, Jacques Balmat (qui reste une gloire locale à Chamonix)… Au total, une quinzaine de portraits édifiants, souvent surprenants, brossés à la hussarde, sabre au clair et davaï !

À recommander à tous, de 7 à 77 ans. Les adultes y puiseront de l’espoir ; les plus jeunes des modèles sains, garantis exonérés de réseaux asociaux.

Philippe Rubempré

François-Xavier Consoli, Les Aventuriers de la vie. Destins d’exception, Les Éditions du Verbe Haut, 2024, 176 p.

Tendre est ma Province – Thomas Morales

« La liberté d’expression, déjà peu éloquente, sera soumise à des instances supranationales paritaires et indépendantes. L’Homme nouveau devra répudier son passé en bloc et publiquement, son puçage est en cours. »

Tendre est ma Province, p. 206.

Chroniqueur nostalgique des plaisirs démodés, Thomas Morales ensoleille notre grisaille quotidienne en rendant un hommage mérité à sa tendre Province, à l’heure où le provincial, ce plouc réactionnaire, est brocardé, stigmatisé, conspué et voué aux gémonies par tout ce que ce bas monde compte de progressistes ouverts et tolérants…

Comme souvent chez Monsieur Nostalgie, les chroniques sont autant d’allers-retours géographiques, cinématographiques, gastronomiques, musicaux, littéraires vers une destination merveilleuse. La Province de Thomas Morales ne se lit pas (que) sur une carte IGN, mais dans l’âme et le cœur. L’écrivain s’y dévoile pudiquement, au gré d’une jeunesse d’enfant unique et de souvenirs de famille, et nous tend un miroir déguisé en rétroviseur vers des temps où nous étions plus libres à tant de points de vue, et où un président de la République pouvait intimer l’ordre de cesser « d’emmerder les Français ». L’exact contraire d’aujourd’hui, où le jeu semble être à qui nous emmerdera le plus, le mieux, le plus profondément, le plus machiavéliquement…

La Province de Thomas Morales réconforte comme un whisky au coin de la cheminée un soir de tempête hivernale. C’est une Province gastronomique qui fleure bon le pâté de tête et le sancerre. La compagnie y est charmante ; le bistrot a ses habitués, de Noiret à Philippe de Broca en passant par Marielle, Rochefort, et bien entendu l’animal Bébel. On y chante en chœur Brassens, on entonne guillerets et tristes les refrains de Nino Ferrer et de Mort Schuman, on danse langoureusement sur du Bill Withers. Tout était plus libre dans la Province de Thomas Morales, les écrivains, la télé, les femmes, les voitures. Tout était plus beau aussi… « Il est toujours joli / Le temps passé », même quand on n’a pas cassé sa pipe comme Tonton Georges.

Chacun peut se reconnaître dans la Province de Morales, notamment ceux qui furent élevés dans les années 1970-1980, décennies charnières avant la bascule dans la grande dépression contemporaine, soignée à la moraline et aux injonctions contradictoires. Il faut offrir ce livre aux jeunes générations ; elles qui lisent moins goûteront l’art de la chronique, cette forme courte et percutante, que Morales manie comme Cyrano tire sa rapière. Leur offrir aussi une plongée dans une époque récente dans laquelle il était possible de vivre et d’être heureux, d’exister sans être ni victime, ni donneur de leçon, et qui sait, leur donner l’envie de retrouver un avenir commun joyeux, enthousiasmant – non repentant et (dé)moralisant.

Encore une fois, Monsieur Nostalgie nous prolonge un peu. En écrivant, j’écoute le dernier album d’Hubert-Félix Thiéfaine, Unplugged, et j’entends ce refrain résonner : « Je rêve tellement d’avoir été / Que je vais finir par tomber » (« Petit matin 4h10 heure d’été ») ; lire Morales est un garde-fou qui aide à tenir.

Philippe Rubempré

Thomas Morales, Tendre est ma province, Éditions Équateurs, octobre 2024, 240 p.

Ab hinc… 386

« La démocratie, c’est le gouvernement d’un pays par des pourris qu’une majorité de cons a choisis. » – Albert Simonin

Lectures octobre

  1. Ombre & Lumière – Parris Quinn
  2. Guerre – Laurent Obertone
  3. La Vie des Spectres – Patrice Jean
  4. Teens at play – Rebecca
  5. Hot Moms – Rebecca
  6. Roman de gare – Philibert Humm
  7. Dino Brutal Age – Marsault & Papacito
  8. Little Ego – Giardino
  9. Arthur et Janet À fleur de peaux – Cornette & Karo
  10. Les Marcheurs – Frédéric Mars
  11. Le Club des enfants perdus – Rebecca Lighieri
  12. Ogenki clinic #1 – Haruka Inui
  13. Jim Harrison Seule la Terre est éternelle – François Busnel
  14. Le Grand Paris – Aurélien Bellanger
  15. Ogenki clinic #2 – Haruka Inui
  16. Le Criminel de guerre – François Brigneau
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