Ab hinc… 382
« Se dérober, glisser comme une anguille. Préserver sa liberté, sa lucidité sereine devant quoi tout s’égalise. Ne jamais prendre parti, parce que la vérité n’est jamais une. La tentation du mépris. À l’écart des mots d’ordre, des mouvements collectifs, des idéaux, des politiques, parce qu’à la fin l’agitation est trop comique de ces bonnes intentions qui se combattent. Et puis parce qu’on s’en moque, parce que ça ne concerne que la volonté hypocrite des chefs et la masse informe des moutons. Se sentir libre, dégagé, disponible, hors d’atteinte. Prêt à combattre pour une femme, pour une insulte, mais sans grande envie de mourir pour la patrie. Ne pas participer aux sottises des autres. Se contenter des siennes. Au-dessus de la mêlée […]. Comprendre. Se donner ainsi de considérables satisfactions qui payent un peu tout le reste. » – Michel Mourlet
Ab hinc… 381
« Les populismes sont des réponses furieuses et souvent déraisonnables à des démocraties qui ont renoncé au véritable pluralisme. » – Chantal Delsol
Lectures août
- Éricia Bizarre School – Michaël Carm & Miel Pelati
- Bob Morane #16 Mission pour Thulé – Henri Vernes
- Les trois dames de la Kasbah – Pierre Loti
- Suleïma – Pierre Loti
- Survivre à la peur. Tome 1 – Piero San Giorgio
- O.K., Joe ! – Louis Guilloux
- Tartarin de Tarascon – Alphonse Daudet
- Les Rencontres – Louis Aragon
- Les Souris – Dino Buzzati
- Matin brun – Franck Pavloff
- La Guerre des Boutons – Louis Pergaud
- Bernard Prince #1 Le Général Satan – Hermann & Greg
- Ultima Necat VI Journal intime 1996-1997 – Philippe Muray
- Bernard Prince #2 Tonnerre sur Coronado – Hermann & Greg
- Nietzsche l’actuel. Introduction à la philosophie nietzschéenne – Julien Rochedy
- Noëls fripons – Collectif
- La Cadillac blanche. Une enquête de l’inspecteur Canardo #6 – Sokal
Ab hinc… 380
« Mais combien de temps vont-ils encore pousser leurs clameurs grotesques de rentiers de l’indignation démagogique, de pamphlétaires salariés de l’antifascisme, d’imprécateurs dans le sens du vent, de flagellateurs homologués, de subversifs en pantoufles, sans crever étouffés sous l’oreiller monstrueux de leur propre ridicule ? » – Philippe Muray
Le Monde du bout du monde – Luis Sepulveda
Un grand roman ne rime pas mécaniquement avec un long roman. En quelque 120 pages, l’écrivain chilien Luis Sepulveda, décédé en 2020, signe un grand roman avec Le Monde du bout du monde.
Un journaliste chilien indépendant établi à Hambourg (alter ego de l’auteur ?) s’apprête à retourner au Chili pour enquêter sur le destin d’un baleinier japonais censé avoir été détruit, mais photographié dans un drôle d’état par une militante dans un chantier naval de Puerto Montt. Notre reporter se souvient avoir, à 16 ans, sous l’influence de la lecture de Moby Dick, embarqué comme commis de cuisine pour naviguer sur les canaux et les flots déchaînés de l’extrême-sud du continent américain. Son voyage s’annonce donc comme un double retour aux sources, sur fond de chasse interdite à la baleine, en compagnie de marins solides et solitaires, d’Onas et d’Alacalufes, natifs de ces terres australes de Patagonie.
Le Monde du bout du monde est une aventure écologique, au plus près des baleines en voie de disparition, en immersion dans la lutte entre Greenpeace et les baleiniers japonais ; c’est une aventure politique sur fond d’intérêts peu avouables et de négociations secrètes ; c’est aussi, et même surtout, une aventure humaine qui met le lecteur aux prises avec des caractères trempés, forts, singuliers, du genre qu’on respecte instinctivement, comme l’étrange capitaine Nilssen, fruit de l’union d’un marin danois et d’une femme Ona baptisée « la Femme ».
La plongée dans l’extrême-sud du continent américain, sur le détroit de Magellan et en Terre de Feu, nous immerge dans un univers à la fois très violent, hostile, dur, et en même temps enchanteur, qui fut merveilleusement incarné par des écrivains comme Saint-Loup (La Nuit commence au cap Horn), Jean Raspail (Adios, Tierra del Fuego ; Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie ; ou encore Qui se souvient des hommes…), mais aussi Jules Verne, Bruce Chatwin, ou le compatriote de Sepulveda, cité dans le roman, Francisco Coloane, auteur de Cap Horn, Tierre del Fuego et de Naufrages. Autant de romans, de récits de voyage ou de nouvelles que la lecture du roman de Luis Sepulveda vous invite à (re)découvrir pour poursuivre votre exploration de son Monde du bout du monde…
Décidément, ce petit roman par le nombre de pages a tout d’un grand : la plume, le thème, les personnages, l’intrigue, et ce quelque chose de transcendant qui fait que vous n’êtes pas tout à fait le même après l’avoir refermé.
Philippe Rubempré
Luis Sepulveda, Le Monde du bout du monde, traduit de l’espagnol (Chili) par François Maspero, [Métailié, 1993] Points, 1995, 123 p.