Les Bouquinistes – Thomas Morales
« Je suis, à ma manière, un bouquiniste de la mémoire. Je leur rends un hommage car ils ont bien failli disparaître sous la flamme olympique. »
Thomas Morales, op. cit. p. 5.
Après avoir été menacés par des qui osent tout (et qu’on a reconnus), Les Bouquinistes ressuscitent et sont transcendés par le dernier recueil de chroniques de Thomas Morales. Monsieur Nostalgie est de retour et nous ouvre ses boîtes emplies de trésors oubliés ou négligés par la modernitude bas du front triomphante, suscitant notre soif d’exploration et de (re)découverte de livres, bandes-dessinées, films, voitures et autres curiosités…
Loin des râleurs patentés et des aigris bilieux, Morales distille ses hommages en faisant montre de reconnaissance (vertu en voie de disparition à l’heure du moi-je victimaire individualiste et consommateur) pour ceux qui ont égayé sa vie. Et c’est ainsi que Monsieur Nostalgie nous remonte le moral en pleine sinistrose désabusée. Il faut le dire, Les Bouquinistes de Thomas Morales font du bien au lecteur autant que ceux des quais de Seine au chineur, au promeneur ou au flâneur.
Emboîtons donc le pas à Monsieur Nostalgie et laissons-nous guider. On croisera l’hilarant Roald Dahl et le génie de Goscinny ; on s’encanaillera avec la Brigandine ; nous danseront langoureusement sur des airs de Barry White ou Adriano Celentano ; on roulera des mécaniques en Ford Mustang ou au guidon d’un Vespa, en compagnie de sa majesté Brett Sinclair ou du Sâr Rabindranath Duval…
Le mot de la fin revient à l’écrivain : « […] je range les boîtes à souvenirs comme j’ouvre mon cœur à une belle inconnue. […] Et je tente de faire revivre mon monde miniature, c’est-à-dire l’onde d’une époque heureuse. »
Ouvrons les boîtes du bouquiniste Thomas Morales !
Philippe Rubempré
Thomas Morales, Les Bouquinistes, Éditions Héliopoles, septembre 2024, 205 p.
Lectures juillet
- Figures qui bougent un peu – James Sacré
- Oh ! Giovanna ! – Giovanna Casotto
- Giovanna ! Si ! – Giovanna Casotto
- Giovanna ! Ah ! – Giovanna Casotto
- L’Épuration ou la fin d’un monde – Pierre Gillieth
- Giovannissima ! – Giovanna Casotto
- Les infortunes contemporaines de la démocratie – Chantal Delsol
- Giovannissima ! #3 – Giovanna Casotto
- Giovannissima ! #4 – Giovanna Casotto
- Une heure avec… – Pierre Gillieth
- Zazie sans faute, la championne des mots difficiles – Anne-Marie Gaignard, Jérôme Derache, Gao
- Une moto pour Barbara – Saint-Loup
- La journée d’un journaliste américain en 2889 – Jules Verne
- Celui qui attend – Ray Bradbury
- L’Éclat du phénix – Ray Bradbury
- Fin de planète – Claude Farrère
- Cycle de survie – Richard Matheson
- Le Passe-muraille – Marcel Aymé
- Le Nez – Nicolas Gogol
- Girl next door – Mapp
- Le Manteau – Nicolas Gogol
- La Métamorphose – Franz Kafka
- Le Horla – Guy de Maupassant
- Langelot contre six – Lieutenant X (Vladimir Volkoff)
- Jeunesse – Joseph Conrad
- Ménagères en chaleur – Armas
- Apologie du Méchant – Collectif, à l’initiative de Pierre Gillieth
- L’Arlésienne – Alphonse Daudet
- Le Phare des Sanguinaires – Alphonse Daudet
- L’Homme qui plantait des arbres – Jean Giono
Une Lecture – Roland Cailleux
Bruno Quentin est un entrepreneur heureux, qui gère le magasin de verrerie familial, en veillant sur les études de son jeune frère Gérard, entre sa maîtresse, Dora, une comédienne, et son ami Armand, professeur de lettres quelque peu original. Jusqu’au jour où il se découvre tuberculeux et doit abandonner affaires, famille et dulcinée pour se soigner à Grasse, dans le Sud. C’est là qu’il entame la lecture d’À La Recherche du Temps perdu, de Marcel Proust, dont il avait aperçut un volume sur un guéridon chez son amante. Dès lors, la vie de Bruno est bouleversée…
Nous suivons donc Bruno dans ses pérégrinations curatives et proustiennes. Roland Cailleux nous offre là, à travers la voix et les conversations de son héros, à la fois une introspection du personnage et une lecture complète du roman-fleuve de Proust ; d’où le titre de son roman, Une Lecture, qui procède de « l’influence de Proust sur un marchand de verrerie », ainsi que le note Alexandre Vialatte. Ce dernier tape juste en écrivant dans sa préface que « Cailleux est un grand écrivain », qui « a fait tenir tout Proust [dans Une Lecture] , comme un grand pardessus dans une petite valise. »
Si vous êtes déjà lecteur de Marcel Proust, vous trouverez avec Une Lecture un contrepoint de grand style à votre propre vécu littéraire ; si, au contraire, À la Recherche du Temps perdu est pour vous une lecture intimidante, voire rebutante – sa longueur, ses phrases réputées interminables… – alors le roman de Roland Cailleux peut vous offrir une porte d’entrée, un sésame pour appréhender Proust, une véritable invitation à plonger dans son œuvre.
Avec Une Lecture, Roland Cailleux, écrivain injustement méconnu, décédé en 1980, signe un chef d’œuvre véritable – et ici (pour une fois), l’expression n’est en rien galvaudée !
Philippe Rubempré
Roland Cailleux, Une Lecture, préface d’Alexandre Vialatte, [Éditions Gallimard, 1948], Motifs, 2007, 477p.
Ab hinc… 379
« Le mal, c’est l’impatience du bien. » – Tertullien