Journal d'un caféïnomane insomniaque
lundi novembre 25th 2024

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Baise-moi – Virginie Despentes

    Baise-moi, entrée fracassante de Virginie Despentes en littérature. Acheté et lu une première fois suite à la ridicule polémique ayant accompagné la sortie du film. Relu cet été après King Kong Théorie. En pleine vague porcine et liberticide, j’ai désiré relire cet écrivain féministe iconoclaste, dont je dois dire ne pas goûter le discours médiatique, mais dont le style ne me déplait pas.

Baise-moi dégoupille façon King Kong le destin de deux cassosses, Nadine et Manu, deux meurtrières qui ont leur raison, deux princesses de la carousse, deux amatrices assumées des plaisirs de la route. De leur rencontre fortuite va naitre une cavale vengeresse, nihiliste, ultra-violente et arrosée. Celles qui n’ont plus rien à perdre feront tout de même de belles rencontres, de celles qui vous maintiennent quand rien ne va plus.

Baise-moi est un roman de la misère, du viol, des armes, de la pauvreté, de l’inespoir, de la pornographie au sens propre. Ce texte brûlant et brûlot raconte les vies paumées de banlieues oubliées, parce que la merde attire la merde et qu’elle se concentre. À l’écart. C’est le roman qui imagine et met en scène ce qui se passe quand ceux qui n’ont rien à perdre pètent les plombs et explosent, ce qui advient quand la merde déborde de sa fosse…

L’adaptation cinématographique (film éponyme réalisé par l’auteur et Coralie Trinh Tih, sorti en 2000) a choqué la bourgeoise et le ratichon pour quelques scènes de cul non simulées. Sans avoir vu le film, mais ayant lu plusieurs fois le roman, les quelques passages pornographiques ne sont vraiment pas choquant au regard du nihilisme et de la violence extrême déployée ; ce qui choque profondément, c’est l’état d’abandon intérieur, de solitude affective et de déliquescence morale qui conduit deux jeunes femmes à se « libérer » de cette manière, et interroge le lecteur sur la chute.

Certes, Baise-moi est un roman choquant, ultra-provocateur et violent. Il faut néanmoins le lire pour ce qu’il nous dit de notre société et de son modus vivendi capitaliste libéral-libertaire, pour le tableau maudit qu’il en brosse et les parfums viciés qui s’en exhalent. Baise-moi résonne encore pertinemment un quart de siècle après sa parution.

Philippe Rubempré

Baise-moi, Virginie Despentes, (Florent Massot, 1994 – Grasset et Fasquelle, 1999), Éditions J’ai lu, 2000, 249 p.

Lectures juillet

  • Corrida pour une nuit blanche – Renoy
  • La guerre des boutons – Louis Pergaud
  • Le bal du dodo – Geneviève Dormann
  • Le monde selon Jules Verne – Olivier & Patrick Poivre d’Arvor
  • Simbaby – Lavagna & Nizzoli
  • Bye Bye Tristesse – Nataël – Béja
  • La Fable de Venise – Hugo Pratt
  • Braise – Laura Desprein
  • Fleur d’Août – Laura Desprein
  • Le Guépard – Giuseppe Tomasi di Lampedusa
  • État-Civil – Pierre Drieu la Rochelle
  • Sud magnétique – Laura Desprein
  • La Valise vide – Pierre Drieu la Rochelle
  • Autrement et encore – Sébastien Lapaque
  • L’Internationale des Francs-Tireurs – Bruno de Cessole
  • Astérix chez Rahazade – Uderzo
  • L’Odyssée d’Astérix – Uderzo
  • Le fils d’Astérix – Uderzo
  • La Grande Traversée – Goscinny & Uderzo
  • Astérix chez les Belges – Goscinny & Uderzo
  • Le Devin – Goscinny & Uderzo
  • Le Cadeau de César – Goscinny & Uderzo

Noblesse du barbecue – Thomas Morales

    Thomas Morales, plume bien connue des lecteurs de Causeur, Technikart ou Valeurs actuelles, est de retour avec une ode à l’amitié, à la joie et à l’été. En neuf plaisirs coupables, l’écrivain redonne ses lettres de noblesse au barbecue, tant décrié par les hygiénistes, les vegans hystériques et autres contempteurs de la prétendue beaufitude des campings de province, cette France périphérique selon eux infestée de lèpre populiste, conformément à l’expression micronesque en vigueur.

Neuf plaisirs coupables, donc… Allumer le barbecue, tout un art délicat. Prendre l’apéro, geste de fraternité autant que savoir-vivre, et tant pis si les sectateurs du château-la-pompe en font une cirrhose ! Si, suivant Homère et Dominique Venner, l’on considère la Nature comme socle et l’Excellence comme but, alors l’élection de Miss Camping vient nous rappeler que la Beauté demeure notre horizon, n’en déplaise aux culs pincés de l’égalitarisme mortifère. Plongez dans ce court et réjouissant bouquin comme dans l’océan, ne craignez pas le bob Ricard et Max Pécas, la pratique régulière de la décontraction de l’intelligence (Gainsbourg) est salutaire ! Trinquez au rosé et à votre santé, tenez, avec ce côtes-de-Thau Réserve de Monrouby 2017, sans prétention autre que le partage avec les copains. Et découvrez ces plaisirs coupables joliment vantés par Thomas Morales en dégustant quelques brochettes sous la nuit étoilée, bercés par le ressac.

Avec humour, brio, et non sans une iconoclaste érudition, Thomas Morales nous invite à un barbecue en famille. Son essai a des parfums de grillades et d’amitié ; il éclate du rire des copains et du choc des verres à l’apéro ; il sent les vacances méritées après une année de trime. La nostalgie joyeuse de l’auteur vous emporte, embarquez, le bonheur est à portée de fourchette !

Philippe Rubempré

Thomas Morales, Noblesse du barbecue, Éditions Nouvelles Lectures, 2018, 39 pages.

Lectures juin

  • La fin du village. Une histoire française – Jean-Pierre Le Goff
  • Histoire d’O – (Pauline Réage) dessinée par Guido Crepax
  • Une élection ordinaire – Geoffroy Lejeune
  • Folies ordinaires – Bukowski / Schultheiss
  • Guide du jeune Robinson à la campagne – Sylvie Bézuel
  • Samouraï – Eberoni
  • Un patachon dans la mondialisationThomas Morales
  • Qui veut tuer Mathieu Valbuena ? – Guy Carlier
  • L’inconnu – Magnus
  • Fou d’amour – Georges Wolinski
  • Tableau noir – Jean-Paul Brighelli
  • Le défilé des réfractaires – Bruno de Cessole
  • Le Suicide français – Éric Zemmour
  • Tintin. Les secrets dévoilés – Jean-Marc et Randy Lofficier

Le Lion des Flandres – Hendrik Conscience

La bataille des Éperons d’Or

    Hendrik (Henri) Conscience , né de père Français et de mère Flamande, a clairement choisi son camp. D’expression néerlandaise, il oeuvre à la gloire de la Flandre et de son lion de sable sur champ d’or. Le Lion des Flandres, son premier roman, retrace la bataille des Éperons d’Or du 11 juillet 1302, laquelle vit la victoire des commerçants flamands sur la plus puissante armée de l’époque, celle du roi de France, Philippe IV le Bel. Cette mémorable boucherie est restée gravée en lettres de sang dans les coeurs français sous le nom de bataille de Courtrai. La fine fleur de la chevalerie française s’y embourba et fut achevée à coup de goedendag, cette arme si mal baptisée (goedendag signifie bonjour en flamand ; il s’agit d’une sorte de solide bâton dont on se sert comme d’une massue).

Il y a du Dumas (père) et du Scott (Walter) chez Conscience, sa narration colorée, enlevée et foisonnante, le choix de son sujet. Plus surprenant sans doute, des notes de Jules Verne se font sentir (à moins que ce ne soit Conscience qui ait influencé Jules Verne ?), le Verne de Famille Sans Nom, son unique roman historique dépeignant la lutte des Français du Canada contre le colon à tunique rouge. Car c’est bien de célébrer la nation flamande dont il est question dans ce roman ; la bataille de Courtrai n’est qu’un prétexte. Et ce n’est sans doute pas un hasard si l’ouvrage est réédité par Yorann Embanner… À charge contre les Français, non sans reconnaître chez cet ennemi quelques exceptions confirmant la règle… part de génie français, sans doute (et à n’en pas douter, il est plus glorieux de vaincre un ennemi fort, puissant et courageux. Comme l’écrivait l’autre, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire…).

Hendrik Conscience est un romancier du XIXe siècle, très populaire en Flandres. Son Lion des Flandres s’inscrit à la fois dans cette veine des grands romans populaires à prétexte (et/ou prétention) historique et dans une relecture de l’histoire célébrant le droit des peuples à disposer d’eux-même hérités d’un certain Romantisme.

La vie politique récente du Royaume de Belgique, cette vue de l’esprit, selon Jacques Brel, lucide, rend à ce roman toute sa force en lui redonnant toute son actualité. Passer les siècles, n’est-ce pas là un signe caractéristique de Littérature ?

Philippe Rubempré

Hendrik Conscience, Le Lion des Flandres. La Bataille des Éperons d’Or, préface de Jan Deloof, Yoran Embanner, 2007, 630 pages.

 

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