Baise-moi – Virginie Despentes
Baise-moi, entrée fracassante de Virginie Despentes en littérature. Acheté et lu une première fois suite à la ridicule polémique ayant accompagné la sortie du film. Relu cet été après King Kong Théorie. En pleine vague porcine et liberticide, j’ai désiré relire cet écrivain féministe iconoclaste, dont je dois dire ne pas goûter le discours médiatique, mais dont le style ne me déplait pas.
Baise-moi dégoupille façon King Kong le destin de deux cassosses, Nadine et Manu, deux meurtrières qui ont leur raison, deux princesses de la carousse, deux amatrices assumées des plaisirs de la route. De leur rencontre fortuite va naitre une cavale vengeresse, nihiliste, ultra-violente et arrosée. Celles qui n’ont plus rien à perdre feront tout de même de belles rencontres, de celles qui vous maintiennent quand rien ne va plus.
Baise-moi est un roman de la misère, du viol, des armes, de la pauvreté, de l’inespoir, de la pornographie au sens propre. Ce texte brûlant et brûlot raconte les vies paumées de banlieues oubliées, parce que la merde attire la merde et qu’elle se concentre. À l’écart. C’est le roman qui imagine et met en scène ce qui se passe quand ceux qui n’ont rien à perdre pètent les plombs et explosent, ce qui advient quand la merde déborde de sa fosse…
L’adaptation cinématographique (film éponyme réalisé par l’auteur et Coralie Trinh Tih, sorti en 2000) a choqué la bourgeoise et le ratichon pour quelques scènes de cul non simulées. Sans avoir vu le film, mais ayant lu plusieurs fois le roman, les quelques passages pornographiques ne sont vraiment pas choquant au regard du nihilisme et de la violence extrême déployée ; ce qui choque profondément, c’est l’état d’abandon intérieur, de solitude affective et de déliquescence morale qui conduit deux jeunes femmes à se « libérer » de cette manière, et interroge le lecteur sur la chute.
Certes, Baise-moi est un roman choquant, ultra-provocateur et violent. Il faut néanmoins le lire pour ce qu’il nous dit de notre société et de son modus vivendi capitaliste libéral-libertaire, pour le tableau maudit qu’il en brosse et les parfums viciés qui s’en exhalent. Baise-moi résonne encore pertinemment un quart de siècle après sa parution.
Philippe Rubempré
Baise-moi, Virginie Despentes, (Florent Massot, 1994 – Grasset et Fasquelle, 1999), Éditions J’ai lu, 2000, 249 p.
Lectures juillet
- Corrida pour une nuit blanche – Renoy
- La guerre des boutons – Louis Pergaud
- Le bal du dodo – Geneviève Dormann
- Le monde selon Jules Verne – Olivier & Patrick Poivre d’Arvor
- Simbaby – Lavagna & Nizzoli
- Bye Bye Tristesse – Nataël – Béja
- La Fable de Venise – Hugo Pratt
- Braise – Laura Desprein
- Fleur d’Août – Laura Desprein
- Le Guépard – Giuseppe Tomasi di Lampedusa
- État-Civil – Pierre Drieu la Rochelle
- Sud magnétique – Laura Desprein
- La Valise vide – Pierre Drieu la Rochelle
- Autrement et encore – Sébastien Lapaque
- L’Internationale des Francs-Tireurs – Bruno de Cessole
- Astérix chez Rahazade – Uderzo
- L’Odyssée d’Astérix – Uderzo
- Le fils d’Astérix – Uderzo
- La Grande Traversée – Goscinny & Uderzo
- Astérix chez les Belges – Goscinny & Uderzo
- Le Devin – Goscinny & Uderzo
- Le Cadeau de César – Goscinny & Uderzo
Lectures juin
- La fin du village. Une histoire française – Jean-Pierre Le Goff
- Histoire d’O – (Pauline Réage) dessinée par Guido Crepax
- Une élection ordinaire – Geoffroy Lejeune
- Folies ordinaires – Bukowski / Schultheiss
- Guide du jeune Robinson à la campagne – Sylvie Bézuel
- Samouraï – Eberoni
- Un patachon dans la mondialisation – Thomas Morales
- Qui veut tuer Mathieu Valbuena ? – Guy Carlier
- L’inconnu – Magnus
- Fou d’amour – Georges Wolinski
- Tableau noir – Jean-Paul Brighelli
- Le défilé des réfractaires – Bruno de Cessole
- Le Suicide français – Éric Zemmour
- Tintin. Les secrets dévoilés – Jean-Marc et Randy Lofficier
Le Lion des Flandres – Hendrik Conscience
La bataille des Éperons d’Or
Hendrik (Henri) Conscience , né de père Français et de mère Flamande, a clairement choisi son camp. D’expression néerlandaise, il oeuvre à la gloire de la Flandre et de son lion de sable sur champ d’or. Le Lion des Flandres, son premier roman, retrace la bataille des Éperons d’Or du 11 juillet 1302, laquelle vit la victoire des commerçants flamands sur la plus puissante armée de l’époque, celle du roi de France, Philippe IV le Bel. Cette mémorable boucherie est restée gravée en lettres de sang dans les coeurs français sous le nom de bataille de Courtrai. La fine fleur de la chevalerie française s’y embourba et fut achevée à coup de goedendag, cette arme si mal baptisée (goedendag signifie bonjour en flamand ; il s’agit d’une sorte de solide bâton dont on se sert comme d’une massue).
Il y a du Dumas (père) et du Scott (Walter) chez Conscience, sa narration colorée, enlevée et foisonnante, le choix de son sujet. Plus surprenant sans doute, des notes de Jules Verne se font sentir (à moins que ce ne soit Conscience qui ait influencé Jules Verne ?), le Verne de Famille Sans Nom, son unique roman historique dépeignant la lutte des Français du Canada contre le colon à tunique rouge. Car c’est bien de célébrer la nation flamande dont il est question dans ce roman ; la bataille de Courtrai n’est qu’un prétexte. Et ce n’est sans doute pas un hasard si l’ouvrage est réédité par Yorann Embanner… À charge contre les Français, non sans reconnaître chez cet ennemi quelques exceptions confirmant la règle… part de génie français, sans doute (et à n’en pas douter, il est plus glorieux de vaincre un ennemi fort, puissant et courageux. Comme l’écrivait l’autre, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire…).
Hendrik Conscience est un romancier du XIXe siècle, très populaire en Flandres. Son Lion des Flandres s’inscrit à la fois dans cette veine des grands romans populaires à prétexte (et/ou prétention) historique et dans une relecture de l’histoire célébrant le droit des peuples à disposer d’eux-même hérités d’un certain Romantisme.
La vie politique récente du Royaume de Belgique, cette vue de l’esprit, selon Jacques Brel, lucide, rend à ce roman toute sa force en lui redonnant toute son actualité. Passer les siècles, n’est-ce pas là un signe caractéristique de Littérature ?
Philippe Rubempré
Hendrik Conscience, Le Lion des Flandres. La Bataille des Éperons d’Or, préface de Jan Deloof, Yoran Embanner, 2007, 630 pages.