Journal d'un caféïnomane insomniaque
mardi novembre 26th 2024

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Ab hinc… 229

« Être de gauche ou être de droite, c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile. Toutes deux sont en effet une forme d’hémiplégie morale. » – Ortega y Gasset

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Adios – Thomas Morales

adios    En plus d’être un romancier talentueux, qui nous a enchanté avec les Mémoires de Joss B., Thomas Morales est un chroniqueur curieux et boulimique de vie. En témoigne Adios, recueil de chroniques publiées dans différents magazines de Causeur à Automobile légende, et sous-titré Éloge du monde d’avant. Qu’il s’intéresse à la littérature, au cinéma, à la télévision, à la musique ou aux belles mécaniques, Thomas Morales nous régale de sa nostalgie joyeuse et érudite, vivante, tendre, parfois féroce, jamais mortifère. Une nostalgie qui s’apprécie « comme ces vins de Loire qui rendent mélancoliques, c’est-à-dire gai et triste. »

Morales remet à l’honneur une époque, des années 1950 au début des années 1980, où être Français n’était ni une gloriole empreinte de chauvinisme, ni une honte repentante, mais un honneur ; une époque où la légèreté et l’insouciance étaient une forme de politesse et de pudeur face aux difficultés de la vie, étalées aujourd’hui sans vergogne à la télévision et sur les réseaux dits sociaux ; une époque où le « vivre ensemble » allait de soi, le populo croisait le rupin dans des villes d’où il n’avait pas encore été chassé par la gauche mondialisée. Le petit peuple n’avait pas encore été sacrifié sur l’autel de la finance et du Saint-Fric globalisé. Il existait au cinéma chez Lautner, par exemple, ou en littérature, chez Malet, autre exemple, lieux dont il a disparu en tant que sujet au profit des pleurnichards narcissiques ou de caricatures qui feront fortune le jour où la connerie et la vulgarité seront remboursées par les assurances sociales.

C’est avec un grand plaisir qu’on dévore les chroniques de Thomas Morales, se disant qu’il est temps de relire René Fallet et Jacques Perret, regrettant qu’Antoine Blondin ne soit plus de ce monde pour faire (re)vivre un Tour de France transformé en partie de cache-cache entre pharmaciens et brigade des stups. La plume de Thomas Morales est à la fois iconographique et musicale. Comment ne pas entendre la voix cassée de Nino Ferrer à la lecture d’Oh ! Eh ! Hein ! Bon…, hommage sobre et émouvant à ce « Ray Charles rital »… Comment ne pas voir défiler planches et phylactères à l’évocation de Pilote, faisant revivre Goscinny, Mai 1968, la naissance de L’Écho des Savanes et de Métal Hurlant ?

Adios rappelle à notre mémoire des temps où nous étions plus libres, un monde disparu où prendre sa voiture était un acte de liberté, pas un crime contre l’humanitarisme vert. Qui a la nostalgie des belles bagnoles se régalera On the Road à bord de Peugeot 403 ou d’AMC Pacer. C’est la magie et l’art de Thomas Morales, nous faire quitter un instant la grisaille quotidienne pour des temps plus jolis… Même si comme le chantait Brassens, « Il est toujours joli / le temps passé »

Thomas Morales, nostalgique à l’heure de la tabula rasa et fine lame des lettres françaises.

Philippe Rubempré

Thomas Morales, Adios, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 172 pages.

Ab hinc… 228

« L’émancipation de l’individu a pour envers sa soumission toujours plus complète aux injonctions de la mode et aux pulsions consuméristes, et une impuissance collective qui transforme le cours du monde en fatalité et vient, en retour, peser sur les individus. Ainsi, par le règne du libre et « doux commerce », chacun se trouve plongé dans un monde de plus en plus démesuré, enrôlé dans une guerre économique sans trêve, soumis à un darwinisme social où les victimes se multiplient, où croissent à nouveau les tensions et la peur. Les hommes étaient censés avoir pris en main leur destin, et ils n’entendent plus parler que d’exigences d’adaptation. »

Olivier Rey, « La folie des grandeurs ou le règne de l’illimité », entretien avec Gaultier Bès de Berc et Alain de Benoist in Elements n°156, juillet-septembre 2015

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La langue des médias – Ingrid Riocreux

langue-des-medias    Avec La langue des médias, essai justement sous-titré Destruction du langage et fabrication du consentement, Ingrid Riocreux pratique l’autopsie de l’information telle que véhiculée par les médias, c’est-à-dire partiale et partielle, emprunte de propagande (sens contemporain) et d’idéologie dans les médias dits officiels comme dans ceux de la « réinfosphère », prompts à réutiliser les méthodes reprochées aux précédents.

Je ne reviens pas sur la destruction du langage : il vous suffit d’ouvrir les oreilles en écoutant la radio ou la télévision. Et, mea culpa, je ne m’exonère pas d’une involontaire mais probable participation : une relecture attentive des mes chroniques publiées depuis six années maintenant témoignerait sans doute ici ou là un manque de relecture ou  un relâchement de la syntaxe… parfois volontaire, parfois pas vu…

Ce dont nous nous doutions et qui là est démontré, exemples nombreux et variés à l’appui, est la manipulation de l’information à des fins idéologiques ou moralisatrices. La restitution prétendument objective des faits (notamment par France Info, véritable cas d’école abondamment cité) se révèle à y regarder plus attentivement largement subjective dans le ton, le choix des termes employés, la manière d’exprimer les faits… ou d’en passer sous silence tout ou partie. À écrire ces lignes, il me semble savoir cela plus ou moins consciemment depuis mes études d’histoire, au cours desquelles j’ai appris à interroger les sources avec un regard critique et à les vérifier. Ce que nous apprend Ingrid Riocreux, c’est que le Journaliste (avec une majuscule, stéréotype de la profession) est le plus souvent sincère quand il prétend être objectif. Sincère et manipulé. N’ayant pas appris la rhétorique, il soutient l’idéologie (ou la pensée) dominante – quelle que soit celle-ci par ailleurs – avec la foi du charbonnier, comme si elle était vérité vraie, objective, incontestable (cf les débats sur le mariage pour tous, le droit à l’IVG, l’accueil des « migrants »… liste non-exhaustive). Ce qui n’est pas sans poser un léger, oh, tout léger problème dans un pays qui se veut démocratique, c’est-à-dire où les citoyens sont supposés voter en toute connaissance de cause. Destruction de l’école et abandon des humanités, destruction du langage et fabrication du consentement (à grands renforts de deux poids, deux mesures, et d’indignations sélectives) forment un coquetèle qui ressemble de plus en plus au cercueil de la démocratie. Le risque est parfaitement décrit par Ingrid Riocreux :

« On a coutume de dire que l’ascenseur social est en panne. Cela signifie que la démocratie est morte, qu’elle a dégénéré en oligarchie. Ceux qui ont le pouvoir le gardent ; ceux qui ne l’ont pas n’ont aucun espoir de l’acquérir. Sous prétexte de tendre la main aux seconds,les premiers leur vendent des entraves séduisantes : à travers les médias serviles, une information « de qualité », à travers une école délétère, une éducation « d’excellence ».« 

Et de conclure que « l’illettrisme entraine la violence, et la sécurité appelle la tyrannie. Le système qui, par son oeuvre éducatrice (scolaire et médiatique), se targuait d’engendrer des personnes libres et responsables, pétries des idéaux les plus nobles, s’écroulera donc sous les coups de ce qu’il a lui-même produit, en réalité : un gibier de dictature.« 

L’essai d’Ingrid Riocreux est particulièrement intéressant par la mesure, la justesse et la lucidité de son propos, ainsi que par l’équilibre idéologique et politique des exemples choisis à l’appui de sa démonstration. À l’encontre de toute forme de complotisme comme de complaisance, l’auteur éclaire ce qui pourrait n’être qu’une regrettable déformation professionnelle du Journaliste ; lequel, dûment averti pourrait y remédier, ou du moins essayer. Le Journaliste ne le fera pas, c’est hélas plus que probable. Il préfèrera sans doute hurler au complot, au populisme ou à je ne sais quoi de discréditant pour un discours auquel il n’est pas en mesure de répondre de manière argumentée. Ceux qui se laisseront aller à cette bassesse d’esprit et de comportement, en plus d’illustrer le propos de cet essai, dévoileront leur vrai visage, indigne d’Albert Londres, portant les stigmates d’une insignifiance mâtinée de crédulité militante. Reste au citoyen à s’emparer du travail d’Ingrid Riocreux et exercer son libre-arbitre quant aux informations dont on l’abreuve à longueur de temps.

Philippe Rubempré

Ingrid Riocreux, La langue des médias. Destruction du langage et fabrication du consentement, L’Artilleur, 2016, 333 p.

Ab hinc… 227

« Ce sont les démocrates qui font les Démocraties, c’est le citoyen qui fait la République. Une Démocratie sans démocrates, une République sans citoyens, c’est déjà une dictature, c’est la dictature de l’intrigue et de la corruption. La Liberté de ne sera pas sauvée par les institutions (…).

Qui ne défend la liberté de penser que pour soi-même, en effet, est déjà disposé à la trahir. Il ne s’agit pas de savoir si cette liberté rend les hommes heureux, ou si même elle les rend moraux. Il ne s’agit pas de savoir si elle favorise le mal plutôt que le bien (…). Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle (…). » – Georges Bernanos, La France contre les robots, Le Livre de Poche, 1970, pp. 28-28 (pour avoir la citation intégrale)

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