Ab hinc… 229
« Être de gauche ou être de droite, c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile. Toutes deux sont en effet une forme d’hémiplégie morale. » – Ortega y Gasset
Adios – Thomas Morales
En plus d’être un romancier talentueux, qui nous a enchanté avec les Mémoires de Joss B., Thomas Morales est un chroniqueur curieux et boulimique de vie. En témoigne Adios, recueil de chroniques publiées dans différents magazines de Causeur à Automobile légende, et sous-titré Éloge du monde d’avant. Qu’il s’intéresse à la littérature, au cinéma, à la télévision, à la musique ou aux belles mécaniques, Thomas Morales nous régale de sa nostalgie joyeuse et érudite, vivante, tendre, parfois féroce, jamais mortifère. Une nostalgie qui s’apprécie « comme ces vins de Loire qui rendent mélancoliques, c’est-à-dire gai et triste. »
Morales remet à l’honneur une époque, des années 1950 au début des années 1980, où être Français n’était ni une gloriole empreinte de chauvinisme, ni une honte repentante, mais un honneur ; une époque où la légèreté et l’insouciance étaient une forme de politesse et de pudeur face aux difficultés de la vie, étalées aujourd’hui sans vergogne à la télévision et sur les réseaux dits sociaux ; une époque où le « vivre ensemble » allait de soi, le populo croisait le rupin dans des villes d’où il n’avait pas encore été chassé par la gauche mondialisée. Le petit peuple n’avait pas encore été sacrifié sur l’autel de la finance et du Saint-Fric globalisé. Il existait au cinéma chez Lautner, par exemple, ou en littérature, chez Malet, autre exemple, lieux dont il a disparu en tant que sujet au profit des pleurnichards narcissiques ou de caricatures qui feront fortune le jour où la connerie et la vulgarité seront remboursées par les assurances sociales.
C’est avec un grand plaisir qu’on dévore les chroniques de Thomas Morales, se disant qu’il est temps de relire René Fallet et Jacques Perret, regrettant qu’Antoine Blondin ne soit plus de ce monde pour faire (re)vivre un Tour de France transformé en partie de cache-cache entre pharmaciens et brigade des stups. La plume de Thomas Morales est à la fois iconographique et musicale. Comment ne pas entendre la voix cassée de Nino Ferrer à la lecture d’Oh ! Eh ! Hein ! Bon…, hommage sobre et émouvant à ce « Ray Charles rital »… Comment ne pas voir défiler planches et phylactères à l’évocation de Pilote, faisant revivre Goscinny, Mai 1968, la naissance de L’Écho des Savanes et de Métal Hurlant ?
Adios rappelle à notre mémoire des temps où nous étions plus libres, un monde disparu où prendre sa voiture était un acte de liberté, pas un crime contre l’humanitarisme vert. Qui a la nostalgie des belles bagnoles se régalera On the Road à bord de Peugeot 403 ou d’AMC Pacer. C’est la magie et l’art de Thomas Morales, nous faire quitter un instant la grisaille quotidienne pour des temps plus jolis… Même si comme le chantait Brassens, « Il est toujours joli / le temps passé »…
Thomas Morales, nostalgique à l’heure de la tabula rasa et fine lame des lettres françaises.
Philippe Rubempré
Thomas Morales, Adios, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 172 pages.
Ab hinc… 228
« L’émancipation de l’individu a pour envers sa soumission toujours plus complète aux injonctions de la mode et aux pulsions consuméristes, et une impuissance collective qui transforme le cours du monde en fatalité et vient, en retour, peser sur les individus. Ainsi, par le règne du libre et « doux commerce », chacun se trouve plongé dans un monde de plus en plus démesuré, enrôlé dans une guerre économique sans trêve, soumis à un darwinisme social où les victimes se multiplient, où croissent à nouveau les tensions et la peur. Les hommes étaient censés avoir pris en main leur destin, et ils n’entendent plus parler que d’exigences d’adaptation. »
Olivier Rey, « La folie des grandeurs ou le règne de l’illimité », entretien avec Gaultier Bès de Berc et Alain de Benoist in Elements n°156, juillet-septembre 2015
Ab hinc… 227
« Ce sont les démocrates qui font les Démocraties, c’est le citoyen qui fait la République. Une Démocratie sans démocrates, une République sans citoyens, c’est déjà une dictature, c’est la dictature de l’intrigue et de la corruption. La Liberté de ne sera pas sauvée par les institutions (…).
Qui ne défend la liberté de penser que pour soi-même, en effet, est déjà disposé à la trahir. Il ne s’agit pas de savoir si cette liberté rend les hommes heureux, ou si même elle les rend moraux. Il ne s’agit pas de savoir si elle favorise le mal plutôt que le bien (…). Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle (…). » – Georges Bernanos, La France contre les robots, Le Livre de Poche, 1970, pp. 28-28 (pour avoir la citation intégrale)