Solitude du témoin – Richard Millet
Mis au ban du petit monde médiatico-littéraire depuis une « affaire » ridicule et infondée instruite par une Torquemada autofictionneuse et l’un des plus mauvais prix Nobel de littérature de l’histoire (récompensé pour son sans-frontiérisme bêlant et aveugle plus que pour sa plume fade), Richard Millet ne mérite ni cet excès d’indignité, ni le concert d’éloges idéologiques venus d’en face. Il est un (bon) écrivain qui mérite d’être considéré à l’aune de sa production intellectuelle et littéraire.
Dans Solitude du témoin, qui relève à notre sens autant de l’essai sur ce qui reste de la civilisation occidentale et son devenir que du journal littéraire (à l’image d’un Jules Renard ou d’un Sébastien Lapaque), Richard Millet prend acte de son ostracisme – avec une certaine insistance qui finit par agacer – et se met en retrait de ce monde judéo-chrétien, héritier d’Athènes et de Jérusalem, qu’il sent, qu’il voit décliner, s’abîmer dans une mort lente, infinie, à force de renoncements, mensonges, lâchetés, et d’abandons des valeurs – notamment pour Richard Millet le catholicisme. L’auteur se pose en témoin solitaire, fantôme vivant d’une autre civilisation, celle qui fut la nôtre, en voie de disparition sous les coups de boutoir du mondialisme financier capitaliste (inféodé au Saint-Fric mondialisé) et ses corollaires – Millet insiste beaucoup sur l’immigration extra-européenne et l’islam.
Du haut de ses certitudes, de ses convictions, Richard Millet apparait parfois arrogant et un tantinet donneur de leçon, notamment quand il se pose comme l’un des derniers écrivains ou qu’il lâche quelques jugements à l’emporte-pièce (sur Brassens par exemple et page 153, réduit à un chansonnier qui déshonorerait le pays qui baptise une école de son nom ; ceci prouve que Millet ne connait que très partiellement son oeuvre écrite comme musicale). Toutefois, le témoin n’est pas aveugle, et globalement nous partageons son constat de décès en cours, d’agonie sans fin de la civilisation héritée d’Athènes et de Jérusalem ; nous regrettons en outre que les oeuvres de Millet ne fassent plus l’objet d’une dispute civilisée, cet auteur donnant manifestement à réfléchir sur notre société.
Notre confortable agonie se traduit par le travestissement de la culture en Culturel, du réel en Propagande, de la vie en Divertissement. Ce que Richard Millet, à qui nous laissons le dernier mot avec cette longue citation, exprime merveilleusement page 16 :
« C’est oublier que je vis selon une autre conception de l’histoire ; que le catholique attend non pas la mort mais la mort de la mort, en ayant la conscience permanente de la doublure symbolique, surnaturelle, invisible de l’histoire officielle, sans être naïf pour autant (…). Ce qui est mort, c’est l’idée de culture comme civilisation, le Culturel, lui, étant l’alliance du divertissement et de la Propagande, c’est-à-dire un conditionnement de masse opérant au nom même du narcissisme individuel. La culture, pour peu que nous tenions encore à ce mot, est donc pour nous une expression caduque, car employée par le politiquement correct dans ses redéfinitions (raciales, ethniques, sexuelles, sociologiques) de l’humain, à quoi la littérature a été sacrifiée, à commencer par la langue, désormais vouée au consumérisme et à la Propagande, entre deux régimes de terreur que sont l’islamisme (avec l’antiracisme d’État pour corollaire) et le Culturel.«
Philippe Rubempré
Richard Millet, Solitude du témoin, Léo Scheer, 2015, 171 pages, 17 euros
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« Ce qui est mort, c’est l’idée de culture en tant que civilisation, le Culturel, lui, étant l’alliance du divertissement et de la Propagande, c’est-à-dire un conditionnement de masse opérant au nom même du narcissisme individuel. » – Richard Millet, Solitude du témoin
Liberté, égalité, laïcité : ite missa est, par Jean-Paul Brighelli
Voilà l’essai que devrait lire toutes affaires cessantes notre ministre de l’Éducation nationale en cette rentrée 2015-2016, première rentrée après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, première rentrée après la première décapitation islamique en France. Si le ministre était honnête, il constaterait la somme d’abandons et de lâchetés que sa réforme vient magistralement (si je puis dire) couronner. Dans son essai, sorte de journal de l’année scolaire écoulée (2014-2015), Jean-Paul Brighelli ne peut que constater les conséquences de la lâcheté politique (déguisée en tolérance) vis-à-vis de la laïcité, abandonnée sans vergogne, mais avec larges mensonges et trahisons, sacrifiée à l’intégrisme musulman communautariste parce que les politiques essentialisent les Français musulmans à cette caricature sinistre, et que tout vote est bon à prendre. La lâcheté ici s’apparente à de la collaboration. Il n’y a, en théorie du moins, qu’une communauté en France, la communauté nationale, c’est-à-dire le Peuple français. Chaque confession y est accueillie, y compris les non-confessions (athées, agnostiques, sceptiques et autres mécréants). En revanche, le politique est strictement séparé du religieux ; la discrétion sur ses options philosophiques est de mise dans l’espace public, et indispensable au sein des administrations et autres services publics représentant l’État sur le territoire.
Professeur ayant enseigné dans les territoires perdus de la République, vivant à Marseille depuis quelques années, Jean-Paul Brighelli n’a de cesse de dénoncer ce qu’il constate : la lâcheté et l’abandon du politique face au communautarisme religieux, intégriste par nature car méprisant l’Autre, le dhimmi en l’occurence, lui jetant à la face comme un gant sa différence affichée avec morgue et supériorité morale. Mais Brighelli ne verse pas pour autant dans le ya-ka-fo-kon. Les solutions qu’il esquisse dans ces chroniques de la laïcité abandonnée sont crédibles et applicables : il ne demande que le respect de la loi, de la constitution, de notre Histoire, bref, le respect de la France, hospitalière (quoi qu’on en dise et malgré les naturelles imperfections) avec ses enfants. Gros mots racistes et néo-colonialistes pour les communautaristes bêlants et leurs idiots utiles médiapartiques, observés ou libérés.
Les conséquences de la lâcheté politique sur fond de dépression économique, de crise identitaire et morale, et de clientélisme électoraliste sont d’ores et déjà en oeuvre : un multiculturalisme destructeur et anti-démocratique vanté comme la seule voie possible, acceptable, nécessaire, impose sa chape de plomb morale sur fond de discours droits-de-l’hommistes (ce qui n’empêche nullement ses sectateurs de s’asseoir sur les droits de l’homme quand cela arrange les éternelles victimes du mâle blanc de culture européenne et judéo-chrétienne, ou quand il s’agit de signer quelques juteux contrats). L’aveuglement des politiciens et des bonnes âmes pétries de certitudes a conduit à ce climat de fortes tensions que nous vivons aujourd’hui, renforcé par le terrorisme islamique et la « crise des migrants ». Espérons qu’il ne conduise pas à la guerre civile et qu’un sursaut aura lieu… Mais nous ne sommes pas optimiste.
Philippe Rubempré
Jean-Paul Brighelli, Liberté – Égalité – Laïcité, Hugo&Cie, collection Hugo Doc, 2015, 187 pages, 14,95 euros.
Retrouvez le très instructif et passionnant entretien de ce passionné qu’est Jean-Paul Brighelli sur TV Libertés ici :
Ab hinc… 178
« Tout novateur véritable est un continuateur. Nihil innovatur nisi quod traditum est. » – Léon Daudet, Le Stupide XIXe Siècle
Le Navire Étoile, une question de limites ?
Un des grands mérites de la science-fiction est de questionner les limites de l’Homme et de la planète, de La planète des singes de Pierre Boulle au Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, en passant par tant d’autres encore… Le Navire Étoile n’échappe pas à la règle. Alain Boudet a adapté en 1962 ce roman du Britannique Edwin Charles Tubb (1919-2010) pour l’ORTF. Le film a été, à l’époque, joué en direct.
À la suite d’un conflit atomique ayant détruit toute vie sur terre, quelques survivants ont trouvé refuge dans un vaisseau spatial navigant parmi les étoiles dans l’attente du jour où, la radioactivité terrestre étant redevenue tolérable à l’Homme, leurs descendants pourront à nouveau vivre sur la planète bleue. À bord du navire étoile, la vie est déterminée et réglée par une machine, sorte d’ordinateur central, baptisée Psycho. Aucun paramètre de la vie à bord ne lui échappe, de la naissance à la mort. Chaque être vivant dans le vaisseau doit compenser l’énergie qu’il consomme (pour respirer, manger, boire) par un service équivalent rendu à la communauté. La durée moyenne de la vie y est de 40 ans, âge auquel le rapport s’inverse au détriment de la communauté, l’individu devenant une charge inutile. Psycho détermine ceux qui doivent mourir de ce fait. Les décisions de l’ordinateur central sont mises en oeuvre par la Psycho-police, qui se charge notamment des exécutions en prenant soin de faire passer les morts pour accidentelles ou volontaires de façon à ne pas éveiller de soupçon ou à ne pas susciter méfiance et révolte. Au terme de 3 siècles d’errance galactique, le navire étoile se trouve peuplé d’humains génétiquement exceptionnels, forgés par les sélections de Psycho, jouissant d’une santé, de compétences et de réflexes optimum. L’utilitarisme à son paroxysme. Le rêve d’un être humain idéal, d’un Homme nouveau semble être en passe de se réaliser grâce à Psycho. Jusqu’à ce que l’ordinateur central se mette à donner des ordres incohérents, voire à commettre des erreurs…
Le Navire Étoile est un film marqué par son époque : du jeu des acteurs, habillés d’une espèce de pyjama kitsch avec un bonnet ridicule, entre la chapka et la protection de boxe Thaï, au décor carton-pâte d’un futurisme années 1960, très ORTF dans son genre (plus qu’Hollywood)… En revanche, les questions soulevées par cette histoire sont, elles, d’une actualité brûlante, à l’heure où poser la question de la limite s’apparente pour nos joyeux progressistes à être d’extrême-droite (cf l’article de Bernadette Sauvaget dans Libération sur la revue Limite, qui ose poser comme son nom l’indique la question des limites de l’Homme et de la planète). Car le navire étoile décrit une situation consécutive à l’oubli par l’Homme de ses limites naturelles, environnementales, politiques, morales. L’abandon des limites dans tous les domaines appliqué à la guerre devient une lubie criminelle, qui produit la situation de départ du film.
Le film pose également la question de l’Homme nouveau, de l’Homme idéal, techniquement optimal. Psycho ne peut se tromper. La technique n’est plus au service de l’Homme, elle a pris le pas sur l’Humanité. Ce délire – croire que l’Homme est perfectible au point de vouloir créer un Homme nouveau, supérieur, parfait – a conduit l’Humanité aux pires atrocités de son histoire, de la Terreur jacobine au national-socialisme, du fascisme au communisme. Toutes ces idéologies criminelles sont nées de la volonté de créer un Homme nouveau et meilleur, de faire tabula rasa du passé et des limites.
À l’heure où la préservation de la planète et de ses ressources est un problème ardent, à l’heure où la vie humaine et sa transmission sont en passe de devenir un banal enjeu capitaliste, économique et financier, à l’heure où le libéralisme libertaire à l’oeuvre en Occident repousse sans cesse les limites de la technique et de la morale non plus au profit de l’Homme, mais à son propre profit, il est intéressant de revoir ce film à l’esthétique et au jeu désuets. En cinéma comme en littérature, les meilleures oeuvres sont celles qui posent les questions essentielles plutôt que celles qui offrent des réponses prêtes à consommer.
Philippe Rubempré
Le Navire Étoile, réalisation et mise en scène Alain Boudet, France, 1962, avec Dirk Sanders, Geneviève Casile, Pierre Massimi, François Maistre, Roger Blin, André Charpak, Yves Brainville… D’après le roman d’Edwin Charles Tubb, adaptation et dialogue de Michel Subiela. Réédition DVD INA éditions, 1h48, Noir & Blanc, format 4/3, tout public.
Bande-Annonce de la collection « Les inédits du fantastique »