Journal d'un caféïnomane insomniaque
lundi mai 20th 2024

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Ab hinc… 343

« La prétention des démocraties libérales à imposer un système de valeurs universel, fruit de la laïcisation des idéaux chrétiens, conduit aujourd’hui l’Europe dans une impasse : cette prétention se heurte au rejet des autres civilisations, en même temps qu’elle entraîne le déclin de la nôtre. » – Henri Lavavasseur

« Dominique Venner : l’appel à une « réforme intellectuelle et morale » », in Dominique Venner À l’aube de nos destins, sous la direction de Solenn Marty, Éditions de la Nouvelle Librairie, mai 2023.

Ombre & Lumière – Quinn

Dans sa préface à l’édition intégrale d’Ombre & Lumière, l’auteur Parris Quinn explique vouloir écrire des récits érotiques et les illustrer sans sacrifier une dimension par rapport à l’autre. Et de fait, les dix-sept nouvelles qui composent son œuvre sont d’une grande tenue littéraire – chose suffisamment rare pour être soulignée dans un univers largement pollué par la lumpen-production masturbatoire. Dix-sept histoires d’un réalisme sans fard. Leur inspiration est ancrée dans la vie et les témoignages recueillis par l’auteur, conférant à l’ensemble une vraie crédibilité (à l’exception toutefois de la dernière histoire, trop onirique et flattant les « tendances » des paraphilies à la mode).

Chaque récit est illustré par l’auteur, en noir et blanc exclusivement, manifestant une belle maîtrise des contrastes : l’œuvre n’est pas baptisée Ombre & Lumière sans raison. Parris Quinn revendique et les techniques propres aux beaux-arts, et l’influence du Caravage et du Titien. Son dessin est aussi réaliste et cru que le sont ses textes.

Quoique profondément érotique et excitante, ne se refusant aucun détail explicite, Ombre & Lumière est une œuvre exempte de toute forme de vulgarité, de pornographie au sens propre du terme – sauf à considérer la bagatelle comme étant en soi vulgaire. De la belle ouvrage, à réserver à un public averti. Les esthètes apprécieront, à n’en pas douter.

Philippe Rubempré

Parris Quinn, Ombre & Lumière – édition intégrale, Dynamite, coll. Canicule, 2019, 272 p.

La Révolution vagabonde – François Jonquères

« Le grand chamboulement, oui, reste plus que le grand chamboulement ! »

Le premier roman de François Jonquères, La Révolution buissonnière, mettait en scène l’ancêtre de l’auteur, François de Llucia, figure iconoclaste de la Révolution française, ami – liaison dangereuse – de Choderlos de Laclos (1741-1803), réputé mort en 1794. Avec La Révolution vagabonde, son descendant se met en quête de la destinée de son parent après la Terreur. Et s’il en avait réchappé par miracle ?

Reconstituant les amours de son aïeul avec Madame de L., Jonquères nous embarque entre l’Irlande, la France, les États-Unis et l’Égypte dans son aventure, mène l’enquête au gré de rencontres réelles et irréelles de personnages truculents (dont la descendante de Madame de L., la pour le moins délurée Helle), découvre correspondance et journal de Llucia et retrace son parcours fantasque. Entre les extraits de lettres et le récit des tribulations du narrateur, l’éditeur commente le roman et tonton Ferdinand peste ses billets d’humeur plein d’humour et de sagesse, conférant à cette Révolution vagabonde une atmosphère unique en son genre.

Tout le roman porte la patte de son auteur. Fidèle à lui-même, François Jonquères navigue entre calembours et hommages, piques et autodérision. Sa perception quelque peu particulière du temps et de l’espace vous entraîne dans une épopée explorant des terra incognita, à l’image des zones blanches de nos anciennes mappemondes. On cause histoire et littérature ; on s’encanaille un brin ; on se prend à rêver…

Cette Révolution est belle, et vagabonde entre ce que vous voyez, ce que vous croyez voir, et ce qui est. Pour notre plus grande joie de lecteur.

Philippe Rubempré

François Jonquères, La Révolution vagabonde, Éditions Glyphe, juin 2023, 222 p.

Le Bûcher des vanités – Tom Wolfe

Premier roman du créateur du Nouveau Journalisme américain Tom Wolfe, Le Bûcher des vanités a paru en 1987 aux États-Unis, et en dépit des révolutions technologiques qui ont suivi, n’a rien perdu de sa justesse, de sa cruauté et de son acuité.

L’ambitieux Sherman McCoy se prend pour un maître du monde. Champion de sa salle des marchés obligataires chez Pierce & Pierce, marié à une architecte d’intérieur en vue, heureux père d’une petite fille de six ans, appartement sur Park Avenue, Mercedes dernier cri, maîtresse charmante… rien ne semble devoir résister à ce Golden Boy. Jusqu’au jour où, allant chercher sa maîtresse à l’aéroport, McCoy se plante de sortie sur l’autoroute et s’empêtre dans les dédales du Bronx, quartier de haute insécurité des années 1980. Obligés de s’arrêter dans ce lieu de perdition, les amants voient deux Noirs s’approcher avec des grands gestes. Panique ! Que veulent-ils ? Les détrousser? Voler la Mercedes ? Apporter une aide inespérée ? Sorti de la voiture, Sherman leur balance un pneu tandis que sa maîtresse prend le volant. Il remonte en catastrophe dans la voiture qui recule, semble percuter quelque chose, et démarre en trombe pour fuir, Maria au volant, Sherman à la place du mort. Le doute s’instille de suite dans l’esprit de McCoy ; et s’ils avaient percuté un homme ? Blessé ? Tué ? Les jours suivants confirment sa crainte : un jeune étudiant Noir du Bronx, bien sous tout rapport, gît dans le coma après avoir été renversé par une Mercedes pilotée par un couple de Blancs. Sous l’influence du révérend Bacon, le Bronx s’agite. Le juge craint pour sa réélection. En désaccord sur la conduite à tenir, le couple illégitime se terre dans le silence, jusqu’à une enquête de routine de la police sur les propriétaires de Mercedes. Ainsi s’ouvre la descente aux enfers de Sherman McCoy…

Avec cette somme romanesque de 700 pages, Tom Wolfe croque avec délice les tares de la société new-yorkaise, entre communautarisme, racisme, m’as-tu-vu permanent, carriérisme, cynisme, hypocrisie, égoïsme et égocentrisme. Il dépeint une société qui n’a fait qu’amplifier ses travers avec la révolution numérique et la financiarisation du monde. Un monde de requins, de rapaces cyniques et sans état d’âme, qui broie la moindre résistance. Un monde dans lequel la vérité ne compte pas.

Les déboires de McCoy permettent à Wolfe de décrire de façon presque clinique le fonctionnement du système judiciaire américain, et ses relations troubles avec une presse ignorante de toute espèce de déontologie. Le roman en est glaçant de vérité, et les chaînes d’information en continu déversent quotidiennement les preuves de la profonde actualité de ce spectacle sinistre.

Le Bûcher des vanités, dont le titre évoque de manière explicite L’Ecclésiaste, dézingue simplement en les décrivant ces ultras-capitalistes qui se prennent pour les maîtres du monde, et dont les relais politiques en France et en Europe sapent avec constance notre histoire, notre identité, notre civilisation, crise après crise, émeute après émeute, jusqu’à la guerre civile ? La duplicité et la trahison sont leur modus vivendi. Point de vérité autorisée hors leur discours : minoritaires à l’extrême, ils tiennent les finances et l’essentiel de la presse. Récemment, la crise du Covid, et plus exactement sa gestion par les « élites » des démocraties dites libérales, en a été l’amère illustration…

Le constat jeté tel un pavé dans la mare par Wolfe il y a 36 ans est encore plus criant aujourd’hui. Prenons-en conscience en (re)lisant cet excellent roman qui acte ce que Philippe Muray dénonçait ainsi : « […] toute politique est devenue inutile parce qu’on peut combattre des idées mais jamais des intérêts (ceux-ci ne se laissent pas tuer). »

Philippe Rubempré

Tom Wolfe, Le Bûcher des vanités, [Éditions Sylvie Meissinger, 1988] Éditions de la Seine, 1989, coll. Les succès du Livre, 704 p.

Ab hinc… 342

« Pour que dans le cerveau d’un couillon la pensée fasse un tour, il faut qu’il lui arrive beaucoup de choses et des bien cruelles. » – Louis-Ferdinand Céline

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