Journal d'un caféïnomane insomniaque
samedi mars 22nd 2025

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La 27e Lettre – WILL & DESBERG

Etre élevé dans un bordel berlinois dans les années 1920-1930… et finir dans un camp de concentration… la sinistre 27e lettre…

Voici racontée la vie de notre héros, Fred, de sa première à sa seconde dizaine.

Eduqué grâce aux livres empruntés aux éminents professeurs fréquentant le claque devenu familial, Fred devient un esprit libre, couvé par des prostituées et amoureux d’une Tzigane. Pas forcément une bonne idée à l’heure de l’avènement d’un certain moustachu autrichien de taille modeste. Sans en être conscient, Fred va résister, de la plus belle manière qui soit, en continuant à vivre, aimer et espérer.

Une bande-dessinée sublime, féroce et tendre, un hymne à la liberté, à la liberté et à la femme.

Par les auteurs de Tiff & Tondu (sic !)

Dessins de Will – Scénario de Desberg – (Chronique rédigée à la brasserie Le Rond-Point au verso de l’addition)

Ed. Dupuis, Coll. Aire Libre

Fleur d’août – Laura DESPREIN

… où le songe d’une vie d’été…

Pour son second roman, Laura Desprein nous offre la dolce vita façon contes cruels… pas si cruels finalement. Après Braise, un premier roman réussi (chroniqué également sur librairtaire.fr), l’auteure poursuit son écriture de la Femme, va plus avant, ose, invente et réinvente la langue pour nous raconter le parcours de Tina, ses maris, ses amants aussi, les enfants, son enfance. Déjà lu, déjà vu, je vous entends, oiseau de mauvais augure! Eh bien pas du tout.

Un érotisme féminin affleure tout au long de ce court roman sans se manifester vraiment. Les thèmes de la vieillesse, de la grossesse, de la femme et de la mère, de l’amour et de la jalousie animent le texte. Le lecteur s’identifie au personnage de Tina, embrasse ses états d’âme. Sans doute Laura Desprein transcende par sa plume vive et joyeuse ses questionnements intimes.

Ce nouveau roman de Laura Desprein s’inscrit naturellement dans l’oeuvre de l’auteure, sans pour autant être une suite à Braise. C’est une oeuvre romanesque qui se dévore. C’est une oeuvre sur la féminité qui s’adore.

Un second roman sensuel et sensible d’une jeune auteure qui gagne à écrire. Vivement le prochain!

La Clef des Sages – Michèle Bayar, Jean-Claude Djian

C’est je crois ce qu’on appelle de la littérature pour la jeunesse. Si tant est que la littérature se puisse diviser, catégoriser, classifier, casifier selon les tranches d’âges…

Yacine, fils de tisserand à Tlemcen, étudie la nuit et travaille dans l’atelier paternel le jour. Il a été obligé de quitter l’école, son père voyant de moins en moins bien ayant besoin de lui pour nourrir la famille. A l’école, il croise la route et les yeux de la belle Amina, fille du plus riche notable de Tlemcen. Ensemble, ils vont partir à la recherche de la clé du bonheur, au loin dans les montagnes, en compagnie de Zitouna, une chatte mystérieuse et sympathique, au fantastique pouvoir de Djinn. Voilà l’histoire de ce parcours semé d’embûches, où les méchants ne sont pas ceux qu’on croit, où rien n’est aussi manichéen qu’il n’y parait.

Un roman court, mais riche du point de vue du vocabulaire. Le verbe est truculent et succulent, l’Arabe cotoye la langue française avec une judicieuse parcimonie permettant à tout jeune non arabophone de comprendre l’histoire et d’apprendre quelques bribes de la langue des Mille et une Nuits.

Pour les jeunes ados et les vieux enfants, à recommander, à offrir!

Illustrations couleur d’Arnaud Bétend


Les exploits d’un jeune don Juan – Guillaume Apollinaire, mis en images par Georges Pichard

A l’origine, un court roman d’initiation érotique (pornographique diront les mauvaises langues). Une oeuvre d’Apollinaire qui n’est pas étudiée au lycée.

Roger, un jeune adolescent, part à la campagne avec sa soeur, sa mère et sa tante, ainsi qu’avec quelques domestiques. La salle de bain révèle à ce godelureau que les femmes peuvent provoquer chez lui certains effets physiologiques sur lui… Petit à petit, l’initiation commence, avec la bonne et la soeur, puis la tante, pimentée par la découverte de la relation intime de ses parents.

Georges Pichard, maître de la bande dessinée érotique française, a adapté et mis en image ce court roman d’Apollinaire dans un noir et blanc léché (sans mauvais jeu de mots). Le dessin de Pichard est reconnaissable au premier coup d’oeil. Sa manière de représenter les femmes, les visages, les moues rappelle un certain expressionnisme allemand d’Entre-Deux Guerres.

L’élite de l’érotisme littéraire et dessiné à la française, à découvrir ou redécouvrir, toutefois si l’on a atteint l’âge des amants…

Kiki de Montparnasse – CATEL & BOQUET

Une légende de Montparnasse, une égérie des années folles, un hymne à la liberté de la femme et à la liberté tout court. Un dessin noir & blanc d’une sobriété bienvenue, se posant en oxymore face au sujet de la BD. Une histoire vraie, documentée, bibliographiée, portraitisée, multi-portraitisée…

Et en plus c’est remarquablement scénarisé. Les 368 pages se dévorent littéralement. À travers la merveilleuse vie de Kiki, on croise Cocteau et Man Ray, Breton et Hemingway, on mange Chez Rosalie et on termine la soirée au Boeuf sur le toit

Kiki, Alice Prin de son vrai nom, élevée par sa grand-mère en banlieue, va devenir modèle par accident. De peintres en amants, de concerts en expositions personnelles, de livres de mémoires en déchéance, au fil des litrons de jaja et des lignes de çakébon, on plonge littéralement dans le parcours de celle que Man Ray a immortalisé dans sa célèbre photo intitulée Le violon d’Ingres. Kiki incarne à elle seule le Montparnasse des années d’Entre-Deux Guerres. Derrière elle se battent tout les peintres, écrivains, acteurs, Français, Américains, Russes et même Japonais qui coloraient Montparnasse à la manière d’un Kandinski.

L’histoire d’une femme libre avant l’heure, qui a choisit délibérément de préférer sa liberté face aux lois, à la morale, à la médecine, à la « bonne éducation ». Jusqu’à la mort.

Sa devise aurait put être « vivre libre ou mourir », sa vie fut libre et elle est morte.

Un  personnage extraordinaire (au sens propre du terme) dans une époque artistique foisonnante et  politique agitée. Une bande-dessinée juste, qui se distingue parmi les flots de l’édition bédéïque contemporaine par sa qualité, par son fond et par sa forme.

Sans en remettre une couche, lisez-le, vous ne le regretterez pas, et sans doute comme moi vous en tirerez quelques leçons à votre profit (et par voie de conséquence, à celui de vos proches).

Chronique à retrouver sur le Salon Littéraire.

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